Fileuse
Chansonnette, 1844
D’une main agile,
File, file, file,
Pauvre, pauvre enfant.
File ton lin blanc.
Dis une prière,
Pour que ta paupière
Ne se ferme pas,
Et chante tout bas.
Avant de répondre,
Ne va pas confondre ;
Souviens-toi du nom
De Ricdin Ricdon.
D’une main agile,
File, file, file,
Pauvre, pauvre enfant.
File ton lin blanc.
Garde-toi de dire
Un nom plein d’empire,
Qui tourne à l’entour
De toi nuit et jour ;
Qui dans la nuit noire,
Trouble la mémoire
S’il n’est pas le nom
De Ricdin Ricdon.
D’une main agile,
File, file, file,
Pauvre, pauvre enfant.
File ton lin blanc.
Satan dans ses ailes,
Aux rouges parcelles,
T’envelopperait
Et t’emporterait ;
Dis à Dieu, s’il t’aime,
D’écrire en toi-même
La crainte et le nom
De Ricdin Ricdon.
D’une main agile,
File, file, file,
Pauvre, pauvre enfant.
File ton lin blanc.
Publiée en 1844 sous le titre de Chansonnette, cette pièce de vers n’a pas été reprise en recueil. Giacomo Cavallucci l’a reproduite dans sa Bibliographie critique de Marceline Desbordes-Valmore d’après des documents inédits sous le titre de « Fileuse », conservé par Marc Bertrand dans l’édition de l’Œuvre poétique qu’il a publiée en 2007.
Elle a paru insérée dans un conte en prose sans indication d’auteur, « Ricdin-Ricdon ou La Fileuse. Conte du Moyen-âge », faisant partie la série Mélodies en action (1844). Ce contexte explique son titre de Chansonnette.
Mais on peut fort bien lui donner le titre de Fileuse, que Marceline Desbordes-Valmore a elle-même utilisé plusieurs fois, notamment pour deux pièces du recueil Bouquets et prières (1843) qui proviennent, tout comme cette « chansonnette », du conte de Ricdin-Ricdon. La troisième « Fileuse » figure quant à elle dans les Poésies inédites (1860). Ce recueil posthume contient aussi le poème « La Fileuse et l’enfant », – un des plus célèbres de l’œuvre, grand poème de l’enfance heureuse, et l’un des deux poèmes composés par Desbordes-Valmore dans ces vers de onze syllabes qui lui vaudront l’admiration de Verlaine, sur lequel on reviendra en conclusion.
… La suite de l’article de Christine Planté dans le premier numéro du Bulletin de la Société des études Marceline Desbordes-Valmore (pages 5 à 18).