Poème « Albertine »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Que j’aimais à te voir, à t’attendre, Albertine ;… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Élégies et poésies nouvelles, Paris : Ladvocat, p. 57-62, 1825
  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore [en deux tomes]. Tome I., Paris : Boulland, p. 371-378, 1830
  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Tome second, Paris : Boulland, 1830

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1819-1833. Idylles. Élégies, Paris : Lemerre, p. 125-128, 1886
  • « Au tombeau d’Albertine », Boyer d’Agen. Œuvres manuscrites de Marceline Desbordes-Valmore : albums à Pauline, Paris : A. Lemerre, p. 59, 1921
  • « Au Tombeau d’Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 236, 1922
  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome premier, Paris : Éditions du Trianon, p. 192-196, 1931
  • « Albertine », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 83, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Nouvelle édition augmentée et précédée d’une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 138-141, 1860
  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres choisies de Marceline Desbordes-Valmore avec études et notices par Frédéric Loliée, Paris : Libairie Ch. Delagrave, p. 79-82, 1909
  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. L’amour, l’amitié, les enfants, mélanges. Choix, notices biographique et bibliographique par Alphonse Séché, Paris : Louis-Michaud, p. 61-63, 1910
  • « Albertine (Que j’aimais à te voir) », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 157-160, 1923
  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Lyon : H. Lardanchet, p. 93-95, 1927
  • « Albertine », Marceline Desbordes-Valmore. Poèmes et proses [Préface et notes de Tony Taveau], Paris : Marcel Seheur, p. 37-40, 1928
  • « Albertine. Que j’aimais à te revoir », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Préface par André Dumas. Bibliothèque-Charpentier, Paris : Fasquelle, p. 49-52, 1933





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

ALBERTINE

  Que j’aimais à te voir, à t’attendre, Albertine ;
  À te deviner, seule, en écoutant tes pas !
  Oh ! que j’aimais mon nom dans ta voix argentine !
  Quand je vivrais toujours, je ne t’oublîrais pas.
  Comme, après un temps triste, une étoile imprévue


        Jette sa lueur dans les cieux,
    Mon chagrin (j’en mourrais ! ) semblait fuir à ta vue,
    Et mes yeux consolés ne quittaient plus tes yeux.
    Tu chantais comme au temps où, petite et joyeuse,
          Et sensible et rieuse,
    Tu caressais ta mère et m’entraînais aux champs,
    Pour chercher des oiseaux, pour imiter leurs chants,
    Oui, tu me rappelais ton enfance ingénue,
    Cette grâce étrangère et du monde inconnue,
    Cette candeur, soumise à qui peut la trahir,
    Qui s’étonne, qui tremble, et pleure sans haïr.
    D’où venais-tu, ma chère ? On t’aurait crue heureuse ;
    Le sourire toujours surmonta tes douleurs :
    Quand ton sein se brisa dans une lutte affreuse,
    On ignorait encor qu’il était plein de pleurs.

    Albertine, Albertine ! ô ma douce compagne !
    Tes pas avant les miens se sont donc arrêtés !
    Tes cris qui m’appelaient, par l’écho répétés,
    Ne m’attireront plus à travers la campagne !
    Oh ! que c’est mourir jeune ! Un jour, ta faible voix
    (Elle devenait faible, et j’en étais troublée),
    Ta voix me dit : "Bientôt, pour la première fois,
     Je ne guiderai plus ta course désolée :
    "Tu viendras seule alors à notre rendez-vous,
    "Sous le saule qui pleure au tombeau de mon frère,
    "Et de même, et bientôt tu pleureras sur nous.
    "Pour moi, près de Julien, il reste assez de terre :
    "J’y songe tous les jours ; on est bien dans la mort.
    "Va ! le sommeil est doux quand il est sans remord."
    Et ta main, du repos marquant l’étroit espace,
    Y jeta quelques fleurs pour y garder ta place.

    Est-il vrai qu’on est mieux dans la mort ? Es-tu bien ?
    Mais quoi, je parle seule ; elle ne répond rien !

    Et quand je retournai, les fleurs étaient flétries ;
    Et déjà d’autres fleurs, que nous avions nourries,
      Penchaient leur tête autour de son tombeau ;
      Des papillons planaient gaîment sur elle ;
      Dans les rameaux couvait la tourterelle,
    Et pour d’autres que moi le printemps était beau !

    Eh quoi ! rien ne semblait manquer à la nature !
    De rustiques enfants couraient dans la verdure
    De l’enclos dont l’aspect me faisait tressaillir :
    Enfants, ils n’y voyaient que des fleurs à cueillir.

    Et moi, quand dans la tombe on me fera descendre,
    Des papillons légers voleront-ils sur moi ?
    Les oiseaux viendront-ils y chanter sans effroi ?
    Les rayons du soleil toucheront-ils ma cendre ? ...
    Seule au monde aujourd’hui, j’achève mon chemin.
    Quand mon cœur est gonflé d’amertume et d’alarmes,
    Tendre, tu ne viens plus le presser sous ta main,
    Tu n’y viens plus verser de l’espoir ou des larmes :
    Personne, quand je suis assise tristement,
    Ne vient tout près, tout bas, m’appeler son amie ;
    Ta seule ombre, épiant ma douleur endormie,
        Vient me consoler un moment.

    Si je trouve, en suivant quelque route isolée,
    Un jeune arbre tombé sous ses premières fleurs,
    Je regarde en pitié sa tête échevelée :
    Ce qui souffre, c’est toi qui m’arraches des pleurs.

    Ainsi, toujours aimante et déçue, ou trahie,
    Mes plus doux sentiments se fanent tour à tour ;
        Et l’amitié coûte à ma vie
        Autant de larmes que l’amour.


    Mais je veux te pleurer, toi ! mais je veux entendre
    Ta voix, la seule voix qui me fut toujours tendre,
    La seule qui n’a pu me reprocher mon sort,
    Qui ne trouva jamais d’accents que pour me plaindre,
    Qui voulait m’adoucir et ma vie et ta mort,
    Et me parlait du ciel sans m’apprendre à le craindre ;
    Qui m’a dit, presque éteinte au dernier entretien :
    "Adieu ! je vais dormir du sommeil de Julien."

    Oui, tu dors ! et l’enfant dont tu fus tant aimée,
    Et le pauvre, interdit à ta porte fermée,
    Tout s’arrêta pensif, tout pleura sur le seuil,
    Tout s’éloigna muet et partagea mon deuil.
    Et l’on m’a demandé si de mon Albertine
    Le rapide destin fut un moment heureux ;
    Hélas ! au souvenir de ta voix argentine,
        J’ai puisé ce chant douloureux :

        Humble fille de la nature,
        Elle aimait la fleur sans culture,
        Qui naît et meurt au fond des bois :
        Son âme, brûlante et craintive,
        Aimait l’eau mobile et plaintive,
        Qui répond aux plaintives voix ;

        Comme l’impatiente abeille
        Quitte une rose moins vermeille,
    Emportant dans les airs son parfum précieux,
    Cette jeune Albertine, en silence éveillée,
    Quittant avant le soir sa couronne effeuillée,
        Vient de s’en retourner aux cieux.





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