Poème « À Mademoiselle Georgina Nayrac »

Premier vers dans l’édition de Marc Bertrand : « Ah ! prends garde à l’amour, il menace ta vie :… »


Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « À Mademoiselle Georgina Nairac », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1819-1833. Idylles. Élégies, Paris : Lemerre, p. 112-115, 1886
  • « À Mademoiselle Georgina Nayrac », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome premier, Paris : Éditions du Trianon, p. 171-174, 1931
  • « À Mademoiselle Georgina Nayrac », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 77, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « À Mlle Georgina Nairac », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Nouvelle édition augmentée et précédée d’une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 93-96, 1860
  • « Prends garde ! », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 94-96, 1923





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

À Mademoiselle GEORGINA NAIRAC

    Ah ! prends garde à l’amour, il menace ta vie :
    Je l’ai vu dans les pleurs que tu verses pour moi.
    Prends garde, s’il est temps ! il erre autour de toi,
    Et c’est avec des pleurs aussi qu’il m’a suivie.
    Retourne vers ta mère et ne la quitte pas.
    Va, comme un faible oiseau que menace l’orage,
    Contre son sein paisible appuyer ton courage ;
    Portes-y ta jeunesse, enchaînes-y tes pas.
    Plus heureuse que nous, de son printemps calmée,
    Laisse-la te soustraire à de vaines douleurs :
    Va ! tu me béniras de t’avoir alarmée ;
        Je fus confiante, et je meurs.

    Folle sécurité d’une âme qui s’ignore,
    C’est donc ainsi toujours que vous devez finir ?
    Quand on n’a pas souffert on ne sait rien encore,
    On ne veut confier son cœur qu’à l’avenir.
    Dans l’âge du danger, je n’avais plus de mère ;
    Déjà mon tendre guide, arrêté par la mort,
        N’entendait plus ma plainte amère ;
    Déjà ses yeux fermés n’éclairaient plus mon sort.

    Retourne vers ta mère, et que ton innocence,
    Prudemment effrayée au tableau de mes jours,
    Joigne à mon souvenir, qu’il faut plaindre toujours,
        Une longue reconnaissance.

    Mais tu n’as pas souffert ? ta tranquille pitié,
    Dis-le moi, n’a donné ses pleurs qu’à l’amitié ?
    Non, tu n’as pas senti cette fièvre de l’âme,
    Ce frisson douloureux qui passe au fond du cœur.
    L’air ne t’a pas semblé comme une molle flamme,
    Qui verse dans les sens la soif et la langueur ?
    Ce triste isolement, ce tendre ennui, ces larmes,
    Ce besoin de presser un cœur semblable au tien,
    D’une voix qui poursuit le fidèle entretien,
    Rien n’a comblé ta vie et de crainte et de charmes ?
    Cet objet souhaité, dans un jour imprévu,
    Ne t’a pas sur son sein réunie à toi-même ;
    Ce tendre objet qui trompe, et qu’il faut que l’on aime,
        Tu ne l’as jamais vu !
    Je l’ai vu plein d’amour, et l’amour m’a trompée ;
    Je ne croyais que lui ; de lui seul occupée,
    J’ai perdu mon repos dans sa félicité ;
    Je l’ai voulu. Mon Dieu ! c’était sa volonté.

    Il savait tant de mots pour me rendre sensible,
    Pour instruire mon âme ardente à la douleur !
    Lui seul a ce pouvoir, cet art, ce don flexible,
    Lui seul donne la vie ensemble et le malheur,
    Mais le malheur enfin détache de la vie :
        Non, je ne veux plus de mon sort,
    Je ne veux plus souffrir. Sais-tu ce que j’envie ?
    Sais-tu ce qu’après lui j’ai souhaité ? La mort.


    Son pied ne presse plus le seuil de ma demeure,
    Et pour ne la plus voir il invente un chemin :
    Sans lui rien demander, j’écoute passer l’heure ;
    L’heure dit comme lui : "Ni ce soir, ni demain !"
    Mais je compte, j’attends que moins inexorable
    Une heure, la dernière à mes maux secourable,
    Éteigne sur ma cendre un importun flambeau,
    Et défende â l’amour de troubler mon tombeau.

    Quand celui qui me fuit ne songeait qu’à me suivre,
    Le cours de mes beaux ans fut près de se tarir :
      Qu’il m’eût alors été doux de mourir
    Pour l’amant dont les pleurs me suppliaient de vivre !
    "Ne meurs pas, disait-il, ou je meurs avec toi !"
    Et mon âme, enchaînée à cette âme amoureuse,
    N’osa quitter la terre et combler son effroi.
    L’imprudent ! sous ses pleurs j’allais m’éteindre heureuse,
    J’allais mourir aimée. Il m’a rendu des jours,
    Pour m’apprendre, ô douleur ! qu’on n’aime pas toujours.

    Une nouvelle voix à son oreille est douce ;
    D’autres yeux qu’il entend désarment son courroux ;
    Et ce n’est plus ma main qu’il presse ou qu’il repousse,
        Alors qu’il est tendre ou jaloux.
    Quoi ! ce n’est plus vers moi qu’il apporte sans crainte
    Son espoir, son désir, son plus secret dessein ;
    Et s’il est malheureux, s’il exhale une plainte,
          Ce n’est plus dans mon sein !

    L’ai-je trahi ? Jamais. Il eut mon âme entière.
    Hélas ! j’étais étreinte à lui comme le lierre.
    Que pour m’en arracher il m’a fallu souffrir !
    Dans cet effort cruel je me sentis mourir.
    Il détourna les yeux, il n’a pas vu mes larmes ;
    Mon reproche jamais n’éveilla ses alarmes ;
    Jamais de ses beaux jours je ne ternis un jour ;
    Il garda le bonheur ; moi, j’ai gardé l’amour.





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