Poème « À ma sœur »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Que veux-tu ? je l’aimais. Lui seul savait me plaire ;… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

  • « À ma sœur », Marceline Desbordes-Valmore. Élégies et poésies nouvelles, Paris : Ladvocat, p. 42-48, 1825
  • « À ma Sœur », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore [en deux tomes]. Tome I., Paris : Boulland, p. 351-358, 1830
  • « À ma Sœur », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Tome premier, Paris : Boulland, 1830

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « À ma sœur. Que veux-tu ? », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1819-1833. Idylles. Élégies, Paris : Lemerre, p. 116-119, 1886
  • « À ma Sœur. Que veux-tu », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 285, 1922
  • « À ma sœur », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome premier, Paris : Éditions du Trianon, p. 176-180, 1931
  • « À ma sœur », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 78, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « À ma sœur », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Nouvelle édition augmentée et précédée d’une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 79-83, 1860
  • « À ma sœur », Marceline Desbordes-Valmore. L’amour, l’amitié, les enfants, mélanges. Choix, notices biographique et bibliographique par Alphonse Séché, Paris : Louis-Michaud, p. 39-42, 1910
  • « À ma sœur : Que veux-tu ? je l’aimais », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 51-54, 1923
  • « À ma Sœur », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies choisies. Notice et notes par Marguerite Plessis. Les classiques pour tous ; N° 344, Paris : Hatier, p. 19-21, 1926
  • « À ma sœur. Que veux-tu, je l’aimais », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Lyon : H. Lardanchet, p. 71-74, 1927
  • « À ma Sœur. Que veux-tu... », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Notice par Maxime Formont, Paris : Librairie Alphonse Lemerre, p. 42-47, 1928
  • « À ma sœur. Que veux-tu... », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Préface de Alain Bosquet, Paris : Le livre club du libraire, p. 26-29, 1961
  • « À ma sœur », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Avant-Quart. Revue littéraire, Lézignan : Poètes pour le Plaisir, p. 14-16, 1985

Traduction du poème :

  • allemand :
    • « An meine Schwester », Gisela Etzel-Kühn, Stefan Zweig, Marceline Desbordes-Valmore : das Lebensbild einer Dichterin, p. 99, Leipzig : Inselverlag, 1927





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

À MA SŒUR

    Que veux-tu ? je l’aimais. Lui seul savait me plaire ;
    Ses traits, sa voix, ses vœux lui soumettaient mes vœux.
    Tendre comme l’amour, terrible en sa colère...
    (Plains-moi, connais-moi toute à mes derniers aveux.)
    Je l’aimais ! j’adorais ce tourment de ma vie ;
    Ses jalouses erreurs m’attendrissaient encor ;
    Il me faisait mourir, et je disais : j’ai tort.


    À douter de moi-même il m’avait asservie.
    Toi ! tu n’aurais pu voir ses pleurs sans me haïr ;
    Sans pleurer avec lui tu n’aurais pu l’entendre ;
    Oui, j’accusais mon cœur que tu connais si tendre ;
    Oui, je disais : j’ai tort, en me sentant mourir.
    Ainsi, l’humble roseau, tourmenté par l’orage,
    Sous un ciel menaçant incline son courage,
    Et se relève encor d’un souffle ranimé :
    Je retrouvais la vie en son regard calmé.
    Pas une plainte alors, de sa voix consolante
    N’osait troubler l’accent qui reprenait mon cœur ;
    Et comme lui soumise, et ravie et tremblante,
    De cet orage éteint j’oubliais la rigueur.
    Quel doux saisissement, Dieu ! quel muet délire,
    Quand son front se cachait sur ce cœur éperdu,
    Qu’il demandait pardon, qu’il m’était tout rendu,
    Que je sentais ses pleurs mêlés à mon sourire !
    Je n’avais pas souffert, il pleurait. Mais, ma sœur,
    Je ne parlerai plus de ses torts, de ses larmes,
    Ses torts où tant d’amour répandait tant de charmes :
    Je n’ai plus qu’à subir sa tranquille douceur.

    Sa douceur, l’inflexible ! oh ! comme il m’a punie
          De l’empire d’un jour,
    Où périt mon bonheur, dont la paix fut bannie,
    Et qu’irrité de craindre il détruit sans retour.
    Sans retour ! le crois-tu ? dis-moi que je m’égare ;
    Dis qu’il veut m’éprouver, mais qu’il n’est point barbare ;
    Dis qu’il va revenir, qu’il revient... Trompe-moi,
    Mais obtiens qu’il me trompe à son tour comme toi.
    Va le lui demander, va l’implorer... Demeure :
    L’orgueil est entre nous, il glace, il est mortel.
    N’est-ce pas qu’il me fuit, et qu’il faut que je meure ?
    N’est-ce pas que je souffre, et que l’homme est cruel ?
    Ne l’accuse jamais. Songe que je l’adore,
          Puisque je vis encore :
    Avant qu’à le trahir j’accoutume ma voix,
    Ma sœur, j’aurai parlé pour la dernière fois.

    Tout change, il a changé ; d’où vient que j’en murmure ?
    Pourquoi ces pleurs amers dont mon cœur est baigné ?
    Que l’amour a de pleurs quand il est dédaigné !
    Tout change, il a changé. C’est là sa seule injure ;
    Et s’il fuit un bonheur qui n’a pu le toucher,
    Ce n’est pas à l’amour à le lui reprocher.
    Tes yeux seuls pleins de moi, s’il daigne un jour y lire,
    Lui diront mes adieux que je n’osai lui dire ;
    Ton nom comme un écho lui parlera de moi ;
    Qu’il soit ton seul reproche en ta douleur modeste ;
    Ah ! je l’en défendrais contre tous... contre toi,
        Du peu de force qui me reste.
    Imite mon silence ; un stérile remord
    Ne ralluma jamais une flamme épuisée ;
        En oubliant qu’il l’a causée,
    Dans son étonnement il pleurera ma mort.

    Ma sœur, j’ai vu la mort à la triste lumière
    Qui passa tout à coup dans le fond de mon cœur,
    Un soir qu’il m’observait, roulant sous sa paupière
    Je ne sais quoi d’amer, de sombre et de moqueur.
    Oh ! que l’âme est troublée à l’adieu d’un prestige !
    L’épi touché du vent tremble moins sur sa tige ;
    L’oiseau devant l’éclair éprouve moins d’effroi :
    Je sentis qu’un malheur tournait autour de moi.
    Pour la première fois, dans sa cruelle adresse,
    Jouant avec mon cœur qu’il déchirait... hélas !
    Il parlait de bonheur sans parler de tendresse ;
    Il parlait d’avenir, et ne me nommait pas !

    Sa main, qui refusait comme lui de m’entendre,
          S’éloigna de ma main ;

    Ses yeux qui tant de fois me priaient de l’attendre,
          Ne disaient plus : Demain !
    Pâle, presque à genoux, suppliante, craintive,
    J’ai dit... je n’ai rien dit, mais on entend les pleurs ;
    Et ce morne silence où parlent les douleurs,
    Ce cri prêt d’entr’ouvrir le sein qui le captive,
    Tout en moi, tout parlait : il n’a pas entendu !
    C’en était fait, ma sœur. De mes larmes suivie,
    Je repris la raison sans reprendre la vie :
    J’écoutai... De ses pas le bruit s’était perdu,
    J’étais seule. Un enfant qu’abandonne sa mère,
    Dont la voix s’est brisée en une plainte amère,
    Qui l’attend immobile, interdit, sans couleur,
    Trouve un aspect moins triste à son premier malheur ;
    Un poids moins douloureux étouffe la pensée,
          Dans son âme oppressée ;
    Un fantôme moins noir l’épouvante et l’atteint,
    Lorsqu’à ses yeux en pleurs l’espoir... le jour s’éteint.

    Le voilà donc fini mon court pèlerinage !
    Ciel ! que le sien plus beau soit ombragé de fleurs ;
    Et, loin de le punir de mes tendres malheurs,
    Qu’un suave laurier couronne son bel âge...

    Qui fait fuir dans son nid cet oiseau palpitant ?
    De ma dernière nuit c’est l’ombre avant-courrière :
    Vois comme, en s’élevant de la noire bruyère,
    Aux fleurs de ma fenêtre elle monte et s’étend :
    Embrasse-moi, ma sœur, car son aile invisible
    M’a touchée et m’entraîne en un sommeil paisible.
    Ce rayon qui s’enfuit, non, ce n’est plus le jour,
    Ce n’est plus le malheur, non, ce n’est plus l’amour ;
    C’est ma dernière nuit. Déjà froide comme elle,
    Ma mémoire n’est plus qu’un miroir infidèle.
    Oui, tout change, ma sœur, tout s’efface, et je sens
    Que la paix ou la mort a coulé dans mes sens.





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