« XLIX. L’âme de Paganini », Marceline Desbordes-Valmore. Les Pleurs. Poésies nouvelles, Paris : Charpentier, 1833
« L’ame de Paganini », Marceline Desbordes-Valmore. Les Pleurs. Poésies nouvelles, Paris : Madame Goullet, 1834
« Le nom de Paganini », Mosaïque poétique, Paris : Bohaire, p. 305-311, 1834
Prépublications :
« Le nom de Paganini », Le Papillon : journal de l’entr’acte - littérature, arts, poésie, nouvelles, théatres, modes annonces, n° 33, Lyon, p. 3, 1832-10-23
« Le nom de Paganini », Almanach des muses, 69e année, Paris : Audin, p. 256-257, 1833
« Paganini », Annales romantiques : recueil de morceaux choisis de littérature contemporaine, Paris : Louis Janet, p. 82-86, 1835
Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :
« L’Ame de Paganini », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 103-106, 1922
« L’âme de Paganini », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome second, Paris : Éditions du Trianon, p. 310-314, 1932
« L’âme de Paganini », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 236, 1973
Autre édition du poème :
« Paganini », Annales romantiques: recueil de morceaux choisis de littérature contemporaine, Paris : Louis Janet, p. 82-86, 1835
Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :
L’AME DE PAGANINI
On dirait sous sa corde et sans frein et sans règle
Un nid de rossignols couvé par des yeux d’aigle.
Prosper Valmore.
Doux comme le soupir de l’enfant qui sommeille,
Un son vague et plaintif se répand dans les airs.
Est-ce un écho du ciel qui charme notre oreille ?
Est-ce un soupir d’amour de la terre et des mers ?
................................................................................
Jamais aucune main sur la corde sonore
Ne guida dans ses jeux sa main novice encore.
L’homme n’enseigne pas ce qu’inspire le ciel ;
Le ruisseau n’apprend pas à couler dans sa pente,
L’aigle à fendre les airs d’une aile indépendante,
L’abeille à composer son miel.
M. Alphonse de Lamartine.
Oui, d’une flamme à part cette âme fut formée !
Oui, Dieu la soupira, ce fut sa bien-aimée !
Oui, mille oiseaux d’amour murmurent dans son sein ;
Leur souffle le parcourt, ils chantent sous sa main ;
Lorsqu’on entend glisser sa vie
Aux cordes où son cœur dit ses pulsations,
Doux nom ! tu vas tintant d’allégresse et d’envie
Autour de ses créations !
Lorsqu’il va les cueillir comme les fleurs aux plaines,
Imitant la cigale à travers le bouleau,
Ou le frissonnement des nocturnes phalènes
Frôlant le narcisse dans l’eau ;
Lorsque sa gloire solitaire,
Au milieu du monde attentif,
Force tous les bruits à se taire,
Pour écouter le dieu plaintif ;
Lorsqu’il monte, léger comme un rêve dans l’ombre,
Qu’il attache à ses doigts les ailes d’un oiseau,
Et se balance ainsi que le rossignol sombre
Désaltérant sa voix au sommet d’un roseau ;
Parmi ses suaves haleines
Qui bruissent comme les fleurs,
Roule un miel dans toutes les peines,
Et des larmes pour tous les pleurs !
Un roi qui plaint et qui pardonne
Relève moins d’infortunés :
Pensif et seul sous sa couronne,
Roi sans armée, il donne ! il donne
Tous les biens qui lui sont donnés !
Attiré dans sa pitié tendre,
On ne sait plus rien des méchants ;
En est-il où l’on peut l’entendre ?
Non, le mal est forcé d’attendre
Que son âme enferme ses chants !
Il porte au malheur qui succombe
Un secret qu’il va prendre au ciel,
Et relevant la foi qui tombe,
Qui doute et qui cherchait la tombe,
Il dit : "L’espoir est immortel !"
À cette âme qu’il a cherchée,
Il dit : "Ma sœur, écoute-moi :
Je parle à la douleur cachée ;
Dans la mienne au monde attachée
Je souffre !... et j’attends comme toi."
Car, on dit que naguère un cœur de jeune femme,
À force de l’aimer, mourut ! et s’enferma
Sous l’érable sonore où palpite sa flamme,
Pour répondre toujours à celui qu’elle aima !
C’est sur ce cœur voilé qu’il frappe ses prodiges,
Et ses sanglots d’amour, et sa prière aux cieux,
Et tous ses cris délicieux !
Ils sont deux ! toujours deux au fond de leurs prestiges :
Elle ! à lui demander de toujours la chérir,
À lui reprocher, lui ! d’avoir voulu mourir.
Oh ! comme ils s’isolent ensemble
Pour causer de ciel et d’amour !
L’heure sans nom qui les rassemble
N’a plus de nuit, n’a plus de jour :
Leur chaste et brûlante souffrance
S’abreuve en tremblant d’espérance ;
Car, dans un profond souvenir,
Que de croyance et d’avenir !
Mais quand il faut enfin retomber sur la terre,
Recueilli tout entier dans son double mystère,
Savourant pour sa soif encore un peu de miel,
Avant d’abandonner le ciel,
Son génie altéré s’y plonge et s’y replonge,
Comme un baiser qui se prolonge
S’attache à des lèvres de feu,
Pour suspendre longtemps un impossible adieu !
Voilà pourquoi son front d’artiste
S’empreint de charme et de pâleur,
Et pourquoi l’on écoute, triste,
Ce talent baigné de douleur !
Dieu ! protégez dans ses voyages
L’écho vivant de votre voix,
Qui suspend la voix des orages,
Ou les fait gémir sous ses doigts.
À cette errante mélodie
Fermez les sentiers douloureux ;
Car sa sublime maladie
Guérit bien des cœurs malheureux !
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