Poème « Amnistie »

Premier vers dans l’édition de Marc Bertrand : « Alors que pour l’hymen un palais s’illumine,… »


Éditions du poème :

Édition du poème dans des recueils :

  • « Amnistie », Marceline Desbordes-Valmore. Pauvres fleurs, Paris : Dumont, p. 179-183, 1839

Édition du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Amnistie », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 410, 1973





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 2007) :

AMNISTIE

  Alors que pour l’hymen un palais s’illumine,
  Alors qu’un jeune espoir en déride les murs,
  Qu’une vierge lointaine avec ses rêves purs,
  Ouvre ses bras d’épouse à l’époux qui s’incline,
  Dieu leur parle à l’oreille et sous l’encens des fleurs


  A demandé combien ils vont sécher de pleurs !
  Ô prince ! écoutez Dieu ! votre avenir commence :
  Pesez le premier pas, car ce pas est immense ;
  Pardonnez ! pardonnez ! et vous saurez un jour,
  Si l’on est roi longtemps, roi sacré par l’amour :
  Vous saurez si Dieu veut que l’on donne sa vie
  A qui donne en retour sa douce paix ravie :
  Donnez-la ! ce géant fort à tout renverser,
  Le peuple est un enfant qui veut vous caresser :
  Ouvrez vos jeunes mains tièdes de pure joie,
  Sur des cœurs enfermés que la tristesse noie !
  Dans la foule qui chante, il est à votre seuil,
  Des femmes aux pieds lents qui sortent d’un long deuil ;
  Elles viennent de loin demandant quelque étoile,
  Qui signale à vos yeux leurs pas et l’humble voile,
  Dont elles ont pris soin d’amortir leur douleur,
  Pour ne pas effrayer l’hymen de leur pâleur !

  Cet hymen, qui dans l’air fait errer un sourire,
  Qui colore et détend leur sévère horizon ;
  Qui sur leurs jours émus balance votre nom
    Et desserre leur voix pour dire :
    "Vraiment ! Dieu nous prend en pitié ;
    "Il n’abandonne pas qui prie !
    "Un qui sera roi se marie :
    "Déjà le pardon chante et crie ! ...
    "Vraiment ! c’est revivre à moitié !

    "Déjà, d’inflexibles murailles,
    "S’ouvrent les combles étouffants ;
    "Fruits douloureux de nos entrailles,
    "Sauvés de grandes funérailles,
    "Nous allons ravoir nos enfants !

    "La reine a tant fait, (elle est mère !)
    "Par ses larmes, par ses raisons,
    "Par son incessante prière,
    "Que dans sa gloire moins amère
    "Elle vient d’ouvrir les prisons !"

    Car son fils avait dit : -"Madame !
    "Je suis triste dans mon bonheur :
    "Sous les traits d’une jeune femme,
    "Je crois que le ciel m’ouvre l’âme,
    "Et je comprends mieux la douleur !

    "La douleur captive, terrible,
    "Qui fait une ombre sur mon jour ;
    "Clouée, immobile, invisible,
    "Ma mère ! c’est la plus horrible :
    "Elle manque d’air et d’amour !"

    La reine pleura. C’est un ange,
    Qui prenant son fils par la main,
    S’en alla d’un courage étrange,
    Dire à ceux qui font que tout change :
    "Faites que tout chante demain !"

    Ce fut fait. Voilà que l’on porte
    De l’air à nos fils malheureux !
    Mais au bruit de la triple porte,
    Qu’ouvre la pitié sans escorte,
    Les voilà qui doutent entre eux.

    Tout à coup, ivres de tendresse,
    Jetant les lambeaux de leur deuil,
    Au long cri d’une pâle ivresse,
    Cet essaim libre qui se presse
    Ouvre l’aile et franchit le seuil !

    Et nous venons, faibles de larmes,
    Nous, dont rien n’a lié les pas,


    Jeter les débris de leurs armes,
    Devant le pardon sans alarmes ;
    Car le pardon ne tremble pas !

  D’une grave cité, lointaines messagères,
  Humbles ambassadeurs d’hommes fiers et soumis,
  Nous venons demander avec nos voix de mères,
  Du pain par le travail ; Dieu nous l’avait promis !

  Le pardon viendra-t-il sur nos rives souffrantes,
  Où la croix étancha tant de sang et de pleurs
  Oh ! viendra-t-il semer à nos terres mourantes,
  Du travail ? de l’oubli ? de l’amour? et des fleurs





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