« Au jeune Paralytique », Marceline Desbordes-Valmore. Bouquets et prières, Paris : Dumont, p. 117-119, 1843
Édition du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :
« Au jeune paralytique », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 466, 1973
Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :
AU JEUNE PARALYTIQUE
Louis Saint-M...
"J’avais au plus dix ans : dans un âge aussi tendre,
"Je connaissais l’amour, tel qu’il se peut attendre,
"Dans un cœur de dix ans. Et je ne désirais,
"Que la voir et l’aimer ! et je ne demandais
"Que de ses blonds cheveux une boucle soyeuse,
"Et parfois un baiser de sa bouche rieuse.
"Et j’étais le plus vieux, car elle avait huit ans ;
"Et je l’aimais ! ..........................
"..............Eh bien ! rappelons-nous ces rêves ;
"Ces parfums respirés et ces paroles brèves :
"Je t’aime ! oh ! pense à moi ! Ces sentiments passés,
"Que le temps a pâlis, mais n’a pas effacés.
"Depuis lors, j’ai gardé, pendant longues années,
"Les boucles de cheveux qu’elle m’avait données ;
"Fidèle, j’ai gardé, bien qu’il soit tout flétri,
"Son petit gant d’enfant... C’est le larcin chéri !
"Voilà le souvenir tout fleuri d’innocence,
"Qui drape le matin de mon adolescence ;
"Voilà mon autrefois, le bon temps, mes amours,
"Le jadis, dont mon cœur se souviendra toujours,
"Qui soulève en mon sein une vague ondoyante,
"Et tourne autour de moi comme une ombre flottante.
"Depuis lors, bien des jours sur ma tête ont passé,
"Mais le bonheur, jamais !"
Louis Saint-M...
Où t’a-t-on vu, poète à la voix douloureuse
Et pure, au cœur sonore, à l’enfance amoureuse ?
Où t’a-t-on vu, jeune ange au pied silencieux,
Prendre haleine, et chanter en passant pour les cieux ?
Es-tu l’André divin dont on cherche la cendre,
Qui parmi nous, voilé, se hasarde à descendre,
Pour relire, inquiet, son livre inachevé,
Et le clore d’un rêve en mourant retrouvé ?
Ce doux cygne étouffé sous le pied de l’envie
Par tes yeux sans bonheur a-t-il revu la vie ;
Et n’y retrouvant plus ses hymnes mutilés
Pleure-t-il dans tes vers ses beaux vers envolés ?
Alors que de ces vers la vibrante nitée
Du pied de l’échafaud s’enfuit épouvantée,
Les pris-tu lumineux sur le bord du chemin,
Où l’ange de la vie abandonnait sa main ?
Au-dessus des cachots, délivrée et chantante,
As-tu trouvé dans l’air cette âme encor flottante,
Après que sa grande aile eut franchi ses barreaux,
Toute rougie encor de l’acier des bourreaux ?
Hélas ! on le croirait, tant la grâce est la même ;
Tant tu sais, comme lui, ce qu’on sait quand on aime !
Oh ! la Parque est cruelle à qui l’a vu mourir ;
Mais quoi ! la vie est triste à qui t’y sent souffrir !
Où que tu sois, jeune homme, où que pleure ton âme,
Dis : J’ai mon nom caché dans le cœur d’une femme,
Mon nom d’enfant, qui chante au milieu de ses jours,
Et qui, dans sa prière à Dieu, monte toujours !
Signaler une erreur ou transmettre un commentaire
Votre nom et/ou votre adresse de courriel :
Votre commentaire (les commentaires sont transmis à l'équipe d'administration du site mais ne sont pas affichés sur le site et ne donnent pas lieu à une réponse) :