« Boïeldieu », Marceline Desbordes-Valmore. Pauvres fleurs, Paris : Dumont, p. 203-206, 1839
Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :
« Boieldieu », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 152-154, 1922
« Boieldieu », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 416, 1973
Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :
BOIELDIEU
Toujours quelque cyprès se cache dans nos fleurs ;
Toujours les noms aimés sont arrosés de pleurs !
Boïeldieu ! ton nom seul nous fut une caresse :
Qui de nous n’a chanté les chants de ta jeunesse ?
Qui ne porte avec soi dans un frais souvenir,
Tes cantates d’amour volant vers l’avenir ?
Chaque note échappée à ta lèvre suave,
Chaque songe attendri que modula ton cœur,
Bondissant de musique ou poignant de langueur,
Enchante l’homme libre ou fait pleurer l’esclave :
L’adolescent rêveur te gémit dans les bois ;
Sur des vœux oppressés ta romance murmure,
Car les ruisseaux n’ont pas une grâce plus pure,
Que la grâce qui coule aux hymnes de ta voix !
Aussi, ta gloire est sainte entre toutes les gloires ;
Jamais un fiel amer n’en corrompit le cours ;
Tu n’eus que des amis au monde ! et tes beaux jours
Sont encor chauds et doux au fond de leurs mémoires !
Et ta cité s’émeut ! la Normande aujourd’hui,
S’éveille et veut ton cœur et le nom de ta mère !
Qu’a-t-elle répandu sur l’indigent ennui,
Qui te rendit la gloire amère ?
Elle ! qui marchanda les traits de son enfant,
Qu’une savante main incrusta sur l’albâtre ;
Elle ! qui t’ignorait, quand la France idolâtre,
Lui jeta ton nom triomphant !
Ô richesse dormeuse, es-tu partout la même ?
Boïeldieu ! sur le sol où séchait ton laurier,
Écoute ! au toit du pauvre et dans l’humble atelier,
Écoute si c’est là qu’on te pleure et qu’on t’aime !
À ton corps qui n’a plus qu’un cercueil pour gardien,
Qui donc ose arracher le cœur qui fut si tendre ?
Couronnement hardi ! ne pouvait-on attendre,
Que le temps sous la tombe ait dissous leur lien ?
Tout mon être a pris froid devant cette œuvre étrange,
Comme si l’on brisait une fibre à mon cœur.
L’espérance est pieuse ! et voit avec terreur,
Déchirer l’enveloppe où s’enfermait un ange !
Sur tant de pleurs chantés, dans les cieux attendus,
Les encensoirs chrétiens n’ont pas brûlé leur flamme :
Mais, les sanglots poussés au départ de ton âme,
Ton âme qui montait, les a tous entendus !
Oui ! l’église d’en haut t’ouvrait une chapelle,
Sans porte ! temple immense où ton auteur t’appelle ;
Plein d’anges rougissant de tes maux d’ici-bas,
Qui tendaient à ton vol leurs ailes et leurs bras !
Alors que pour l’un d’eux l’éternité s’allume,
Qu’importe qu’à ses pieds un cierge se consume ?
Là, qui t’a demandé : "D’où viens-tu Boïeldieu ?"
Le rossignol sait-il l’arbre de sa naissance ?
Un sonore univers vibra sous sa puissance ;
Tombé du ciel, il chante et s’en retourne à Dieu !
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