Poème « Les deux bergères »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Que fais-tu, pauvre Hélène, au bord de ce ruisseau ?… »
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Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

  • « Les deux Bergères », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Mme Desbordes-Valmore. Troisième édition, Paris : François Louis, p. 101-104, 1820
  • « Les deux Bergères », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Troisième édition, Paris : Théophile Grandin, p. 33-37, 1822
  • « Les Deux bergères », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore [en deux tomes]. Tome I., Paris : Boulland, p. 53-60, 1830
  • « Les Deux bergères », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Tome premier, Paris : Boulland, 1830

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Les deux bergères », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1819-1833. Idylles. Élégies, Paris : Lemerre, p. 19-22, 1886
  • « Les Deux bergères », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome premier, Paris : Éditions du Trianon, p. 32-36, 1931
  • « Les deux bergères », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 35, 1973

Édition du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Les deux Bergères », Marceline Desbordes-Valmore. Le Livre des Tendresses, Paris : Nilsson, p. 49-52, 1930





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

LES DEUX BERGÈRES

        Doris

    Que fais-tu, pauvre Hélène, au bord de ce ruisseau ?

        Hélène

    Je regarde ma vie, en voyant couler l’eau.
    Son cours languit, Doris, il n’aime plus la rive ;
    Dans nos champs qu’il arrose il roule quelque ennui.
    Écoute ! il porte au bois sa musique plaintive ;
    Et je voudrais au bois me plaindre comme lui.

        Doris

    De quoi te plaindrais-tu ?

        Hélène

          Je ne saurais le dire.
    Ce ruisseau paraît calme, et pourtant il soupire.
    On ne sait trop s’il fuit..... s’il cherche..... s’il attend....
    Mais il est malheureux, puisque mon cœur l’entend.

        Doris

    Tu rêves. Son cristal est pur, vif et limpide ;
    On le dirait joyeux de caresser des fleurs.

        Hélène

    Pour moi, j’y reconnais une douleur timide :
    Souvent dans un sourire on devine des pleurs.
    Toi qui chantes toujours, tu ne peux le comprendre.
    Ma voix n’a plus d’essor, et j’ai le temps d’apprendre
    Qu’un chagrin se révèle en soupirant tout bas :
    Si je pouvais chanter, je ne l’entendrais pas !

        Doris

    S’il parle, il dit au bois que nous sommes jolies ;
    Que s’il a ralenti son cours précipité,
    C’est qu’il croit voir en toi les grâces recueillies,
    Et qu’il prend du plaisir à doubler ma beauté.
    Voilà (je te dis tout) ce qu’un berger m’assure ;
    Sa parole est sincère, et, pour preuve, il le jure.

        Hélène

    Il le jure. Ah ! prends garde ! et si tu veux bien voir,
    Doris, ne choisis pas un flatteur pour miroir.

        Doris

    Si tu savais son nom, tu serais bien honteuse.

        Hélène

    Bergère, il est berger ; sa parole est douteuse.

        Doris

    Il m’a dit qu’au rivage il tracerait un jour,
    Pour l’orgueil du ruisseau, mon chiffre et son amour.

        Hélène

    L’amour aime à tracer les serments sur le sable ;
    Un coup de vent répond de sa fidélité :
    D’une plume légère il compose une fable ;
    Ses flèches dans nos cœurs gravent la vérité.

        Doris

    Oh ! les tristes leçons ! Du ruisseau qui les donne
    Troublons les flots jaloux ; qu’ils n’affligent personne !


        Hélène

    Tu peux troubler ses flots, mais non pas les tarir.
    Quand les jours sont moins purs, cessent-ils de courir ?
    La pierre d’un long cercle a ridé sa surface ;
    Elle tombe, l’eau roule, et le cercle s’efface.

        Doris

    Ô ma chère compagne ! en est-il des beaux jours
    Comme de ce tableau ?

        Hélène

          C’est celui des amours.

        Doris

    Mais par une amoureuse et touchante aventure,
    Lorsque tu le crois seul, errant et malheureux,
    Il trouve un filet d’eau caché sous la verdure,
    Et l’emporte gaîment dans son sein amoureux.

        Hélène

    Mais il arrive à peine au fond de la vallée ;
    Surpris par le torrent qui lentraîne à son tour,
    Il y jette à regret son onde désolée,
    Et les ruisseaux unis s’y perdent sans retour.

        Doris

    Eh bien ! je n’irai pas jusqu’au torrent, bergère,
    Donner à leur destin d’inutiles soupirs :
    J’irai me regarder à la source légère
    Qui se livre, naissante, au souffle des zéphyrs.
    Sur ses rives, de mousse et de roseaux parées,
    Le soir, je conduirai mes brebis altérées.
    Ainsi, dans l’eau, qui change au caprice des vents,
    Tu verras tes ennuis, je verrai mes beaux ans.

        Hélène

    Oh ! n’abandonne pas nos tranquilles demeures !
    Laisse y couler en paix tes innocentes heures ;
    Ne donne ni tes pas ni tes vœux au hasard !
    On se hâte, on s’arrête, on tremble... il est trop tard.
    Évite le sentier trop voisin de son onde ;
    Il égare, il conduit loin, bien loin du hameau,
    Dans une solitude isolée et profonde,
    Où l’eau, comme des pleurs, coule auprès d’un tombeau.
    Un cœur tendre s’y cache au jour qu’il semble craindre ;
    Il n’a que ce ruisseau pour l’entendre et le plaindre :
    Peut-être qu’à lui seul il confie un regret...
    Doris, ne va jamais surprendre son secret !





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