Poème « Élisa Mercœur »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « En regardant briller l’auréole de rêves,… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Édition du poème dans des recueils :

  • « Élisa Mercœur », Marceline Desbordes-Valmore. Pauvres fleurs, Paris : Dumont, p. 139-144, 1839

Prépublications :

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Élisa Mercœur », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 132-135, 1922
  • « Élisa Mercœur », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 401, 1973





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

ELISA MERCŒUR

A SA MERE

    En regardant briller l’auréole de rêves,
    Qui de ta jeune vie agitait le flambeau,
    Triste, on reconnaissait sur ton front triste et beau,
    Une fleur enlevée à de lointaines grèves :
    On n’aimait plus le monde où languissaient tes jours,
    Tes jours chantants, nourris d’une rosée avare ;
    Où la terre est si froide et le soleil si rare ;
    Où sur ta frêle étoile on s’alarmait toujours !

    Quoi donc ! quand près des flots Dieu sema ton enfance,
    Dieu ne t’y laissait point sans joie et sans défense :
    Tes longs yeux découvraient dans le désert des nuits,
    Quelque astre sympathique à tes jeunes ennuis ;
    Tu te chantais au ciel, à ta mère bénie,
    Qui t’appelait son jour ! sa naissante harmonie !
    Et le ciel et ta mère et les flots et les monts,
    À tes cris : Aimez-moi ! répondaient : Nous t’aimons !

    Toute sonore au bruit du mugissant rivage,
    Regardant le navire enfler sa voile au vent,
    Ta flottante espérance aventurait souvent
    Un doux château dans l’air, un nid sur un nuage :
    Libres alors, jamais tes beaux songes brisés,
    Ne retombaient sur toi, pleurants et méprisés !

    Mais flamme passagère et vouée à la famme,
    La cité lumineuse éblouissait ton âme,
    Et livrant ta faiblesse aux dangers des chemins,
    Pour enhardir ton vol on te battait des mains :
    Croyant qu’il est partout des brises embaumées,
    Tu vins heurter ton cœur à des portes fermées ;
    Tu dis longtemps : "C’est moi ! je passe... il faut ouvrir..."
    La réponse fut lente et tu viens d’en mourir !
    Et l’harmonie en pleurs tremblait dans ta parole,
    Enfant ! ton premier chant commence un cri d’adieu ;
    Ce cri poussé, perdu dans un écho frivole,
    Grave pourtant, déjà se réclamait de Dieu.
    Que lui demandais-tu ? de l’air libre et des ailes :
    Tu les as ! nous vois-tu traîner nos pieds sous elles,
    Porter pierre sur pierre à ton doux monument,
    Pour charmer ta jeune ombre en son isolement ?
    Pour dire au temps : voyez ! elle était chaste, aimée,
    Elle avait une voix qui survit à la mort ;
    Une âme, dont la forme est vite consumée ;
    Qui vient chanter sa plainte et s’en va sans remord.
    Un soupir, s’il vous plaît, à la poète fille !
    Une eau pure au gazon qui la couvre déjà !
    Une fleur sur la fleur qui se cache et qui brille !
    Un regret au roseau que le vent détacha !
    Une larme à sa mère... elle vit après elle !
    Sans pleurer son enfant, ne vous éloignez pas ;
    Ses cyprès verseront, dans leur culte fidèle,
    Un rythme à votre oreille et de l’ombre à vos pas !
    Un soupir, s’il vous plaît ! l’horloge s’est trompée,
    Elle a sonné la mort pour l’heure de l’hymen ;
    Regardez et comptez : sa trame fut coupée,
    Quand l’ange des enfants tenait encor sa main !

    Moi, sans racine aussi, née aux bords des voyages,
    Posant à peine un pied sur de fuyants rivages,
    Y cueillant à la hâte un fruit vert, une fleur,
    Pour prendre un peu d’haleine au relais du malheur,
    J’écoutai, quand sa voix à mon cœur parvenue,
    M’apprit le nom charmant d’une sœur inconnue ;
    Sa voix, qui n’avait pas encor de souvenir,
    Sa voix fraîche et nouvelle en perçant l’avenir,
    Lançait l’hymne de vie et de gloire trempée,
    Où sa tombe précoce était enveloppée :
    Je la pris, dans l’espace où vibrait cette voix,
    Pour un oiseau qui joue et qui pleure à la fois !
    Dans les flots de la foule insoucieuse et vaine,
    J’embrassai du regard cette âme armoricaine,
    Et je n’entrevis pas sa crédule candeur,
    Sans plaindre de ses yeux l’ardente profondeur !

    On épuisait alors cette vivante lyre ;
    Sa souffrance voilée, on la lui faisait lire ;
    Car le monde veut tout quand il daigne écouter ;
    Et quand il a dit : Chante ! il faut toujours chanter !
    Par d’innocents flatteurs innocemment déçue,
    Son âme s’écoulait victime inaperçue,
    Et quand l’oiseau malade à son toit remontait,
    Sous son aile traînante et fiévreuse il chantait !
    Il cherchait d’autres sons pour saluer la foule,
    Cette foule qui cause, et qui passe et qui roule ;
    En vain, ses chants mêlés de courage et d’effroi,
    Dirent bientôt : "Je souffre et j’attends ! ... sauvez-moi !"

    Je ne pus que l’aimer d’une tendresse amère ;
    Qu’assister prophétique aux larmes de sa mère,
    Puis, avec le transport d’une interne frayeur,
    Emporter mes enfants plus serrés à mon cœur !
    Ce qui résonne en nous de tendresse profonde,
    Mon Dieu ! n’a pas longtemps son écho dans ce monde :


    Mais, puisque vers vos cieux nous regardons toujours,
    C’est donc qu’un bien s’y cache et qu’il manque à nos jours ?
    Oui ! quand mes souvenirs se lèvent et gémissent,
    Je sens, dans un frisson sur moi prompt à couler,
      Comme des ailes qui frémissent,
      Toujours prêtes à s’envoler !

    Dis, n’est-ce pas ainsi, fille mélodieuse,
    Que s’élançait ton cœur pour entraîner tes pas,
    Lorsque ton cœur s’ouvrit plein de sa foi pieuse,
    Appelant l’avenir... qui ne répondit pas :

    Car, voici ma prière envoyée à ta tombe !
    Au bord de l’urne blanche où s’amassent nos fleurs,
    Viendras-tu pas poser ton âme de colombe,
    Pour compter les amis qui t’ont donné leurs pleurs ?
    Qu’importe que la voix soit obscure ou sublime :
    La douleur n’a qu’un cri qui sort du même abîme ;
    Et le Christ, en mourant, n’entendit sur sa croix,
    Que ceux qui lui criaient : Mon Dieu ! j’aime et je crois !





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