Poème « La fiancée et le choléra »

Premier vers dans l’édition de Marc Bertrand : « « Sur le navire en quarantaine,… »


Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Édition du poème dans des recueils :

Édition du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « La fiancée et le choléra », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 423, 1973

Édition du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « La Fiancée et le choléra », Marceline Desbordes-Valmore. Poèmes, Paris : Tchou, p. 122-125, 1965





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

LA FIANCÉE ET LE CHOLÉRA

MARSEILLE

    "Sur le navire en quarantaine,
    Entendez-vous de tristes voix ?
    La voix d’Arthur, grave et lointaine,
    Ma mère ! soyez-en certaine,
    A frappé la grève trois fois !

    Il soupire notre veuvage,
    Bercé dans l’air tiède au soir.
    Il sait bien qu’au bord du rivage,
    Pour saluer son esclavage,
    Nous venons souvent nous asseoir.

    Ma mère ! écoutez comme il chante :
    On dirait qu’il pleure après moi.
    Las de la chaleur desséchante,
    Sous la lune rouge et méchante,
    Je jurerais que je le vois !

    Qu’il dorme à la cloche qui pleure
    Et trame au port le couvre-feu ;
    Qu’un tableau plus riant l’effleure ;
    Pour lui laisser oublier l’heure,
    Je veux bien qu’il m’oublie un peu !

    Que de Marseille la charmante,
    Il rêve les fruits et les fleurs ;
    Qu’assoupi loin de la tourmente,
    Il écoute ma voix d’amante,
    Mais qu’il n’entende pas nos pleurs !

    Près du fanal de l’habitacle,
    Il est assis ; c’est le premier !
    Si Dieu voulait faire un miracle,
    Pour glisser sur l’humide obstacle,
    J’aurais les ailes du ramier !

    Ramier ! ramier ! dont la tristesse
    Jette un sanglot tout près de nous,
    Nous mourons aussi de tendresse ;
    Prends mon âme ! et dans ta vitesse,
    Va la poser sur ses genoux !

    Va toucher parmi ces fronts mâles,
    Le plus jeune chargé d’ennui ;
    S’il a bu les fièvres fatales,
    Baise pour moi ses lèvres pâles,
    Et viens me baiser après lui !

    Mais le canon de la vigie,
    Vainement t’a fait tressaillir :
    Dans une tendre léthargie,


    Ton veuvage se réfugie ;
    L’isolement fait tant vieillir !

    Et voilà les cris des églises,
    Qui surmontent le bruit des flots ;
    En pitié si nos croix sont prises,
    Ma mère ! les célestes brises,
    Nous rendront tous nos matelots !

    Leur nautonnier, vers la chapelle,
    Navigue tout chargé de vœux ;
    Aux pieds du pouvoir qu’il appelle,
    Moi, pauvre amoureuse mortelle,
    J’ai ma bague et ses longs cheveux !

    Des cierges voyez-vous les flammes,
    Monter aux vitraux attiédis ?
    Ô ma mère ! on dirait des âmes,
    Qui viennent de rompre leurs trames,
    Et veulent un De profundis !

    Dans votre piété qui tremble,
    Ne dites plus : "Heureux les morts !"
    C’est tenter Dieu qui nous rassemble :
    S’il ne brisait trois cœurs ensemble,
    Votre vœu serait un remords !

    Sainte vierge ! quelle soirée !
    On porte le bon Dieu partout !
    La mort souffle avec la marée,
    Et seul, dans Marseille éplorée,
    Le fléau qui tue est debout !

    Allumez toutes vos étoiles,
    Patronne des mouvants séjours :
    Que vos anges tissent des toiles,
    Pour que le fléau dans les voiles,
    S’éteigne avant quarante jours !

    Arthur ! Arthur ! ..." Amour de femme,
    N’eut jamais de cri plus fervent :
    Heureux Arthur ! la voix et l’âme,
    Roulèrent comme un bruit de lame,
    Dans son rêve ému par le vent.

    Et le ciel s’étoila paisible,
    Comme si le ciel écoutait :
    Mais le sort n’est jamais lisible,
    Et le spectre au vol invisible
    Emporta l’âme qui chantait !





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