Poème « Laisse-nous pleurer »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Toi qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer,… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies inédites de Madame Desbordes-Valmore publiées par M. Gustave Revilliod, Genève : Jules Fick, p. 82-84, 1860
  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Mme Desbordes-Valmore publiées par Gustave Revilliod (deuxième édition), Genève : Jules-Guillaume Fick, p. 95-97, 1873

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1833-1859. Élégies. Romances. Mélanges. Fragments. Poésies posthumes, Paris : Lemerre, p. 327-329, 1886
  • « Laisse-nous pleurer », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 528, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres choisies de Marceline Desbordes-Valmore avec études et notices par Frédéric Loliée, Paris : Libairie Ch. Delagrave, p. 199-200, 1909
  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. L’amour, l’amitié, les enfants, mélanges. Choix, notices biographique et bibliographique par Alphonse Séché, Paris : Louis-Michaud, p. 129-130, 1910
  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. Les plus beaux vers de Desbordes-Valmore, Paris : Nilsson, p. 91-94, 1920?
  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 256-257, 1923
  • « Laisse-nous pleurer », Marceline Desbordes-Valmore. Le Livre des Tendresses, Paris : Nilsson, p. 73-74, 1930

Traductions du poème :






Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

LAISSE-NOUS PLEURER

  Toi qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer,
  Rends-nous notre ignorance, ou laisse-nous pleurer !

  Promets-nous à jamais le soleil, la nuit même,
  Oui, la nuit à jamais, promets-la-moi, je l’aime !
  Avec ses astres blancs, ses flambeaux, ses sommeils,
  Son rêve errant toujours et toujours ses réveils !
  Et toujours, pour calmer la brûlante insomnie,
  D’un monde où rien ne meurt l’éternelle harmonie !

  Ce monde était le mien quand, les ailes aux vents,
  Mon âme encore oiseau rasait les jours mouvants,
  Quand je mordais aux fruits que ma sœur, chère aînée,
  Cueillait à l’arbre entier de notre destinée.
  Puis, en nous regardant jusqu’au fond de nos yeux,
  Nous éclations d’un rire à faire ouvrir les cieux.
  Car nous ne savions rien. Plus agiles que l’onde,
  Nos âmes s’en allaient chanter autour du monde,
  Lorsqu’avec moi, promise aux profondes amours,
  Nous n’épelions partout qu’un mot : "Toujours ! toujours !"

  Philosophe distrait, amant des théories,
  Qui n’ôtes ton chapeau qu’aux madones fleuries,
  Quand tu diras toujours que vivre c’est penser,
  Qu’il faut que l’oiseau chante, et qu’il nous faut danser,
  Et qu’alors qu’on est femme il faut porter des roses,
  Tu ne changeras pas le cours amer des choses.
  Pourquoi donc nous chercher, nous qui ne dansons pas ?
  Pourquoi nous écouter, nous qui parlons tout bas ?
  Nous n’allons point usant nos yeux au même livre ;
  Le mien se lit dans l’ombre où Dieu m’apprend à vivre.

  Toi, qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer,
  Rends-nous notre ignorance, ou laisse-nous pleurer !

  Vois, si tu n’as pas vu la plus petite fille
  S’éprendre des soucis d’une jeune famille,
  Éclore à la douleur par le pressentiment,
  Pâlir pour sa poupée heurtée imprudemment,
  Prier Dieu, puis sourire en berçant son idole
  Qu’elle croit endormie au son de sa parole :
  Fière du vague instinct de sa fécondité,
  Elle couve une autre âme à l’immortalité.
  Laisse-lui ses berceaux : ta raillerie amère
  Éteindrait son enfant... Tu vois bien qu’elle est mère.
  À la mère du moins laisse les beaux enfants,
  Ingrats, si Dieu le veut, mais à jamais vivants !
  Sinon, de quoi ris-tu ? Va ! j’ai le droit des larmes ;
  Va, sur les flancs brisés ne porte pas tes armes.

  Toi qui ris de nos cœurs prompts à se déchirer,
  Rends-nous notre innocence, ou laisse-nous pleurer !
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