Poème « La maison de ma mère »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Maison de la naissance, ô nid, doux coin du monde !… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Édition du poème dans des recueils :

  • « La Maison de ma Mère », Marceline Desbordes-Valmore. Pauvres fleurs, Paris : Dumont, p. 3-10, 1839

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1833-1859. Élégies. Romances. Mélanges. Fragments. Poésies posthumes, Paris : Lemerre, p. 3-6, 1886
  • « La maison de ma mère », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 374, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres choisies de Marceline Desbordes-Valmore avec études et notices par Frédéric Loliée, Paris : Libairie Ch. Delagrave, p. 161-162, 1909
  • « La Maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. L’amour, l’amitié, les enfants, mélanges. Choix, notices biographique et bibliographique par Alphonse Séché, Paris : Louis-Michaud, p. 107-110, 1910
  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 188-191, 1923
  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Lyon : H. Lardanchet, p. 157-151, 1927
  • « La Maison de ma Mère », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Notice par Maxime Formont, Paris : Librairie Alphonse Lemerre, p. 117-122, 1928
  • « La Maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poèmes et proses [Préface et notes de Tony Taveau], Paris : Marcel Seheur, p. 4-7, 1928
  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Préface par André Dumas. Bibliothèque-Charpentier, Paris : Fasquelle, p. 63-66, 1933
  • « La Maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies Choisies de M. Desbordes-Valmore avec introduction et notes par Maurice Allem, Paris : Garnier Frères, p. 87-90, 1935
  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Illustrations de G. Ducultit, Chamonix : Jean Landru, p. 19-24, 1944
  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies, illustrations de Jean Pichard. Collection Bagatelle ; 7, Paris : Gründ, p. 47-51, 1945
  • « Écrit sur l’album de Pauline », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Au débit des Muses et Vendeurs de curiosités poétiques, Liège : P. Aelberts, p. 8, 1951
  • « La Maison de ma Mère (extrait) », Jeanine Moulin. Poètes d’aujourd’hui. Marceline Desbordes-Valmore, Paris : Seghers, p. 123-124, 1955
  • « La Maison de ma Mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Préface de Alain Bosquet, Paris : Le livre club du libraire, p. 83-86, 1961
  • « La Maison de ma Mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Préface et choix d’Yves Bonnefoy, Paris : Gallimard nrf, p. 109-110, 1983
  • « Une mère qui chante. Extrait de La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poèmes choisis. Le Livre de Poche Jeunesse. Fleurs d’encre, Paris : Hachette jeunesse, p. 18, 1997
  • « La maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. L’Aurore en fuite. Poèmes choisis. Choix et préface par Christine Planté, Paris : Points, p. 91-94, 2010
  • « La Maison de ma mère », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Dossier par Virginie Belzgaou, Folio+ Lycée, Paris : Gallimard, 2021

Autre édition du poème :

Traductions du poème :

  • allemand :
    • « Das Haus meiner Mutter », Gustav Pfizer ? Blätter zur Kunder der Literatur des Auslands, n° 53-54, p. 215, Munich, 1839-05-08
  • slovène :
    • « Materina hiša », Marija Javoršek, Poezije, Ljubljana : Književno društvo Hiša poezije, 2016





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

LA MAISON DE MA MÈRE

  Maison de la naissance, ô nid, doux coin du monde !
  Ô premier univers où nos pas ont tourné !
  Chambre ou ciel, dont le cœur garde la mappemonde,
  Au fond du temps je vois ton seuil abandonné.
  Je m’en irais aveugle et sans guide à ta porte,
  Toucher le berceau nu qui daigna me nourrir ;
  Si je deviens âgée et faible, qu’on m’y porte !
  Je n’y pus vivre enfant ; j’y voudrais bien mourir ;
  Marcher dans notre cour où croissait un peu d’herbe,
  Où l’oiseau de nos toits descendait boire, et puis,
  Pour coucher ses enfants, becquetait l’humble gerbe,
  Entre les cailloux bleus que mouillait le grand puits !

  De sa fraîcheur lointaine il lave encor mon âme,
  Du présent qui me brûle il étanche la flamme,
  Ce puits large et dormeur au cristal enfermé,
  Où ma mère baignait son enfant bien-aimé :
  Lorsqu’elle berçait l’air avec sa voix rêveuse,
  Qu’elle était calme et blanche et paisible le soir,
  Désaltérant le pauvre assis, comme on croit voir
  Aux ruisseaux de la bible une fraîche laveuse :
  Elle avait des accents d’harmonieux amour,
  Que je buvais du cœur en jouant dans la cour !

  Ciel ! où prend donc sa voix une mère qui chante,
  Pour aider le sommeil à descendre au berceau ?
  Dieu mit-il plus de grâce au souffle d’un ruisseau ?
  Est-ce l’Eden rouvert à son hymne touchante,
  Laissant sur l’oreiller de l’enfant qui s’endort,
  Poindre tous les soleils qui lui cachent la mort ?
  Et l’enfant assoupi sous cette âme voilée,
  Reconnaît-il les bruits d’une vie écoulée ?
  Est-ce un cantique appris à son départ du ciel,
  Où l’adieu d’un jeune ange épancha quelque miel ?

  Merci, mon Dieu ! merci de cette hymne profonde,
  Pleurante encore en moi dans les rires du monde,
  Alors que je m’assieds à quelque coin rêveur,
  Pour entendre ma mère en écoutant mon cœur :
  Ce lointain au revoir de son âme à mon âme,
  Soutient en la grondant ma faiblesse de femme ;
  Comme au jonc qui se penche une brise en son cours,
  A dit "Ne tombe pas ! j’arrive à ton secours."

  Elle a fait mes genoux souples à la prière ;
  J’appris d’elle, Seigneur ! d’où vient votre lumière,
  Quand j’amusais mes yeux à voir briller ses yeux,
  Qui ne quittaient mon front que pour parler aux cieux.
  À l’heure du travail qui coulait pleine et pure,
  Je croyais que ses mains régissaient la nature,
  Instruite par le Christ à sa voix incliné,
  Qu’elle écoutait priante et le front prosterné ;
  Vraiment, je le croyais ! et d’une foi si tendre,
  Que le Christ au lambris me paraissait l’entendre :
  Je voyais bien que femme, elle pliait à Dieu,
  Mais ma mère, après lui, l’enseignait en tout lieu.

  L’ardent soleil de juin qui riait dans la chambre ;
  L’âtre dont les clartés illuminaient décembre ;
  Les fruits, les blés en fleurs, ma fraîche nuit, mon jour,
  Ma mère créait tout du fond de son séjour :




  C’était ma mère ! ô mère ! ô Christ ! ô crainte ! ô charmes !
  Laissez tremper mon cœur dans vos suaves larmes ;
  Laissez ces songes d’or éclairer les vieux murs,
  Des pauvres innocents nés dans les coins obscurs ;
  Laissez, puisqu’ici-bas nous nous perdons sans elles,
  Des mères aux enfants comme aux oiseaux des ailes.
  Quand la mienne avait dit "Vous êtes mon enfant"
  Le ciel, c’était mon cœur à jour et triomphant !

      Alors la maison était pleine
      Des premiers-nés forts et joyeux,
      Qui m’entendant souffler à peine,
      Me réchauffaient de leur haleine,
      Et m’apprivoisaient à leurs jeux.

      C’était mon frère, pauvre frère !
      Alors si beau ! si pauvre encor !
      Enfant du rempart militaire,
      Me berçant sur un chant de guerre,
      Avec son casque en papier d’or !

      C’était... flambeau de ma mémoire,
      Ciel rallumé, ne t’éteins pas !
      Je veux croire laisse-moi croire ;
      Je veux vivre : laisse-moi boire
      La goutte d’eau qui pend là-bas !

  Là-bas, quand j’apprenais que l’on souffre, ma mère
  Évoquait des enfants la plus belle chimère ;
  Puis, sur mon front malade et content de brûler,
  Chuchotait ces mots doux, trop doux pour les parler !
    Ô vie d’enfant ! ô tremblante lumière,
    D’ombre mêlée à ma jeune raison,
    Tant que ton aile aveugla ma paupière,
    Que tu la tins en riante prison !
    Sous ton haleine égale et savoureuse,
    Je ne savais regretter ni prévoir :
  L’autre âge m’a tant dit que j’étais malheureuse,
      Que j’ai fini par le savoir !

  Depuis, mes jours rêveurs gardent leur blanc génie ;
  Toujours quand j’ai la fièvre il balance mon sort ;
  J’enferme sous mon front cet écho d’harmonie ;
  J’entends chanter ma mère et je ris à la mort !

  Elle se défendait de me faire savante ;
  "Apprendre, c’est vieillir, disait-elle, et l’enfant
  "Se nourrira trop tôt du fruit que Dieu défend ;
  "Fruit fiévreux à la sève aride et décevante ;
  "L’enfant sait tout qui dit à son ange gardien :
  "- Donnez-nous aujourd’hui notre pain quotidien !
  "C’est assez demander à cette vie amère ;
  "Assez de savoir suivre et regarder sa mère,
  "Et nous aurons appris pour un long avenir,
  "Si nous savons prier, nous soumettre et bénir !"

  Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse ;
  Rien, que jeter au ciel ma voix d’oiseau, mes fleurs ;
  Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse,
  Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes pleurs :
  Je n’avais rien appris, rien lu que ma prière,
  Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ;
  J’écoutais Notre-Dame et j’épelais les cieux
  Et la vague harmonie inondait ma paupière ;
  Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu’un jour,
  On m’entendrait aimer pour me répondre ; amour !

  Et les psaumes d’oiseau caché dans le feuillage,
  Ce qu’il raconte au ciel par le ciel répondu,
  Mon âme qu’on croyait indolente ou volage,
        L’a toujours entendu !


  Et quand là-bas, là-bas, comme on peint l’espérance,
  Dieu tendait l’arc-en-ciel aux pèlerins errants,
  S’il avait ruisselé sur ma vierge souffrance,
  La nuit se sillonnait de songes transparents :
  Et sur l’onde qui glisse et plie, et s’abandonne,
  Quand j’avais amassé des parfums purs et frais,
  En voyant fuir mes fleurs que n’attendait personne,
  Je regardais ma mère et je les lui montrais.

  Et ma mère disait : "C’est une maladie ;
  Un mélange de jeux, de pleurs, de mélodie ;
  C’est le cœur de mon cœur ! oui, ma fille ! plus tard,
  Vous trouverez l’amour et la vie ... autre part."

  Innocence ! innocence ! éternité rêvée !
  Au bout des temps de pleurs serez-vous retrouvée ?
  Êtes-vous ma maison que je ne peux rouvrir ?
  Ma mère ! est-ce la mort ? ... je voudrais bien mourir !





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