« L’Orpheline », Marceline Desbordes-Valmore. Élégies, Marie et romances, Paris : François Louis, p. 40-44, 1819
« L’Orpheline », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Mme Desbordes-Valmore. Troisième édition, Paris : François Louis, p. 171-175, 1820
« L’Orpheline », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Troisième édition, Paris : Théophile Grandin, p. 197-201, 1822
« L’Orpheline », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore [en deux tomes]. Tome II., Paris : Boulland, p. 25-32, 1830
« L’Orpheline », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Tome second, Paris : Boulland, 1830
Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :
« L’Orpheline (conte) », Boyer d’Agen. Œuvres manuscrites de Marceline Desbordes-Valmore : albums à Pauline, Paris : A. Lemerre, p. 55, 1921
« L’Orpheline », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome premier, Paris : Éditions du Trianon, p. 329-333, 1931
« L’orpheline », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 121, 1973
Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :
L’ORPHELINE
Un seigneur, d’aimable figure,
Brillant d’esprit et brillant de parure,
Prestiges tout-puissants sur la simplicité,
Voulut séduire une jeune beauté.
Sans appui dans le monde, elle était orpheline,
Et se nommait Pauline.
Pauline, hélas ! a perdu le repos.
De vifs regards, de séduisants propos
Troublent la paix de cette âme ingénue ;
Elle aime enfin, et son heure est venue.
Pour un ingrat devait-elle sonner ?
Mais pour craindre cette heure, il faut la deviner ;
Et l’orpheline, en sa première flamme,
Rêve l’amour aussi pur que son âme.
Six mois ainsi coulent rapidement.
Tout est bonheur, ivresse, enchantement.
Un villageois, qui soupirait pour elle,
Renferme alors sa tendresse fidèle ;
Edmond ne la suit plus, et cache à tous les yeux
Son humble hommage et ses timides vœux.
Sans le vouloir, Pauline a su lui plaire ;
Edmond n’a plus qu’à l’aimer et se taire.
L’amour modeste est souvent méconnu ;
Pour éblouir il est trop ingénu.
Sans s’occuper d’un amant qu’elle ignore,
Pauline est tout à celui qu’elle adore ;
Elle ne voit encor dans l’avenir
Que le moment où l’ingrat doit venir ;
Et respectant le séducteur qu’elle aime,
Croit n’adorer que la sagesse même.
Pensive et seule, elle y rêvait un soir ;
Dans sa cabane il entre avec l’espoir.
L’amour, la nuit, la crainte, le silence,
Tout est d’accord pour perdre l’innocence.
Les yeux baissés, d’un air naïf et doux,
Elle pleure en voyant son seigneur à genoux.
Riant tout bas de ses tendres alarmes,
À peine il voit ses peines et ses larmes.
Sans deviner qu’on lui vole un plaisir,
Pauline, hélas ! en eut le repentir.
Le lendemain, dans sa simple demeure,
Avec l’Amour elle attendit en vain ;
Elle attendit encor le lendemain,
Le mois entier, chaque jour, à toute heure !
Par le remords lentement déchiré,
D’un sombre ennui son cœur est dévoré.
Elle offre à Dieu cet amour qui l’opprime :
Puisqu’il fait tant de mal, il faut qu’il soit un crime.
Mais ne vivant que par le souvenir,
Le passé la poursuit jusque dans l’avenir.
Plus de sommeil ; Pauline en vain l’appelle ;
Pour le malheur il est sourd et rebelle.
Plus de vertu, plus d’amis, plus d’amant ;
Tout est perdu par l’erreur d’un moment.
C’est la fleur du vallon sur sa tige abattue
Par le frimas qui l’effeuille et la tue.
C’était l’hiver : la saison de l’Amour
Semblait avoir disparu sans retour.
Assise, un soir, au bord de sa chaumière,
Pleurant sa honte et fuyant la lumière,
Un bruit soudain fait tressaillir son cœur ;
Un char léger ramène son vainqueur....
Il a parlé... c’est la voix qu’elle adore
"C’est lui, dit-elle, il vient, il m’aime encore !"
Mais un regard fait tout évanouir ;
L’espoir s’enfuit... Pauline va mourir.
Oui, c’est l’ingrat qu’elle attend et qu’elle aime.
Mais peignez-vous son désespoir extrême !
Il n’est pas seul. Il entraîne, à son tour,
L’objet nouveau de son volage amour.
À cette vue, immobile et glacée,
Le cœur saisi d’une affreuse pensée,
Pauline au ciel jette un cri douloureux,
Tombe à genoux et détourne les yeux.
Le froid du soir circule dans ses veines ;
Son âme s’engourdit dans l’oubli de ses peines ;
Et, prenant par degrés le sommeil pour la mort,
En embrassant la terre, elle pleure et s’endort.
Dieu, qui la plaint, l’enveloppe d’un songe ;
Et la pitié descend sur l’aile du mensonge.
Elle croit voir un Ange protecteur
La ranimer doucement sur son cœur,
Presser sa main, l’observer en silence,
Les yeux mouillés des pleurs de l’indulgence.
"Dieu vous a donc envoyé près de moi,
"Lui dit Pauline, et vous suivez sa loi ?
"Si la vertu vient essuyer mes larmes,
"Parlez ! sa voix aura pour moi des charmes.
"Voyez mon sort ! voyez mon repentir !"
On lui répond par un profond soupir.
Son œil mourant s’entr’ouvre à la lumière...
L’ange est Edmond à genoux, sur la pierre,
Qui, plein d’effroi, soutient d’un bras tremblant
Ce corps glacé qu’il réchauffe en pleurant.
"Ne craignez rien, dit l’amant jeune et sage ;
"Sans défiance appuyez-vous sur moi ;
"Notre cabane est au bout du village ;
"Un cri plaintif vient d’y porter l’effroi.
"Ma mère attend, venez près de ma mère ;
"Vous lui direz le sujet de vos pleurs ;
"Ma mère est bonne, elle plaint vos douleurs ;
"Soyez sa fille, et moi... je serai votre frère.
"- Hélas ! dit-elle, avec même douceur,
"Soyez mon frère, et sauvez votre sœur."
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