Poème « La première heure de l’année »

Premier vers dans l’édition de Marc Bertrand : « Minuit ! l’année expire ; et l’année est éclose.… »


Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

  • « La Première heure de l’année », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore [en deux tomes]. Tome II., Paris : Boulland, p. 157-164, 1830
  • « La Première heure de l’année », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Tome troisième, Paris : Boulland, 1830

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « La première Heure de l’Année », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 194-197, 1922
  • « La première heure de l’année », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome second, Paris : Éditions du Trianon, p. 9-12, 1932
  • « La première heure de l’année », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 144, 1973





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

LA PREMIÈRE HEURE DE L’ANNÉE

    Minuit ! l’année expire ; et l’année est éclose.
    Une reine nouvelle entre dans l’univers :
    Reine enfant, dans ses mains que de hochets divers !
    Que son sceptre est léger sur l’enfant qui repose !
    Je voudrais l’être encor pour te voir plus longtemps,
    Pour sentir ton berceau près de ma frêle vie,
    Pour enchaîner ma trame à tes premiers instants,
    Pour être de toi seul et charmée et suivie !
    Au doux frémissement dont l’air est agité,
    Aux ardentes lueurs que la lampe a jeté,
    On dirait que le ciel entr’ouvre ma demeure ;
    La jeune Année y tinte ; et, d’un vœu tourmenté,
    Tu reviens avec moi goûter sa première heure !
    D’une aile palpitante elle étend les ressorts ;
    Ses jours, déjà comptés, couvent sous sa ceinture.
    Qu’ils soient riches de fleurs, nos faciles trésors,
    Nos parfums, seul encens dont j’aime la culture !

    Après tant de contrainte, ô toi qui m’es rendu,
    Dans le désordre heureux de la foule écoulée,
    Que ta ruse est charmante ! et que j’en suis troublée !
    Minuit nous frappe ensemble, et je n’ai rien perdu !
    J’enlace dans tes bras à la fois deux années ;
    Une chaîne de plus serre nos destinées !
    Quel bonheur ! je la vois naître dans ton regard :
    En l’écoutant venir tes vœux m’ont embrasée ;
    J’ai salué du cœur ta rêveuse pensée ;
    Et la force me manque à te dire : Il est tard.

    Il n’est pas tard. Minuit ! le timbre vibre encore ;
    Écoute : c’est l’adieu d’un si doux souvenir !
    Écoute c’est l’espoir d’un si doux avenir !
    Du temps pour les cœurs purs que la voix est sonore !
    Comme il est plein d’amour en passant près de toi !
    Il compte nos soupirs... Entends-tu comme moi ?
    Ce qu’il t’a révélé voudras-tu me l’apprendre ?
    Oui, viens ! d’autres que toi ne me font rien comprendre.
    On croit mes jours troublés d’un triste égarement,
    Et tu les as comblés d’espérance et de joie ;
    Mais, pour oser répandre un si cher sentiment,
    Il faut que je te parle, il faut que je te voie.
    Dans tes bras je sais tout ; et demain tu viendras ;
    Laisse-moi donc ce soir me sauver de tes bras.
    Quand je t’attends, demain, c’est le nom de la vie ;
    C’est le ciel sans mourir ; et tu réponds : Demain !
    Tes yeux parlent sur moi, ta main est dans ma main ;
    Ne promets rien de plus à mon âme ravie.
    Que demander ? J’existe et j’aime ! Ah ! sans remord,
    Reprends... si tu le peux, ton âme trop charmée :
    Que faire d’un serment quand on se sent aimée ?
    Quand on cesse de l’être, empêche-t-il la mort ?

    Du feu de tes baisers ne sèche pas mes larmes.
    Je te la dois cette heure où nous vivons tout bas :
    Je ne donnerais pas ses furtives alarmes
    Pour l’éternité même où tu ne serais pas :
    Ne promets rien de plus ; forte est la destinée !
    Va chercher le repos, il n’est pas en ce lieu ;
    Va ! nous n’arrêtons pas la diligente année
    Par nos semblants d’adieux qui prolongent l’adieu.


    Aime-là ! que demain sa couronne éphémère
    Touche tes yeux fermés sous son premier sommeil !
    Qu’elle apporte à ton cœur, dans le plus frais réveil,
    Un souvenir d’enfance, un baiser de ta mère !
    Ta mère ! et puis ta gloire, et puis... pas un regret.
    Moi, si je n’ai plus d’heure à cette heure pareille,
    Que son doux souvenir, penché vers mon oreille,
    Jusqu’à mon dernier jour m’en reparle en secret !

    Me voilà seule il marche au pied de ma croisée ;
    Comme un flambeau, sur lui, la lune s’est posée ;
    Elle éclaire ses pas qu’il poursuit lentement :
    Les bras tendus vers moi, j’ai vu glisser son ombre.
    Quelle nuit ! l’amour même enchante l’hiver sombre ;
    Et l’heure qui s’oublie escorte mon amant !
    Jeune Année ! aujourd’hui, ne lui dis rien d’austère ;
    Flatte-le de ma vie : il craint la mort pour moi.
    Dis que pas un roseau ne tombera sous toi ;
    Promets-lui... tous les biens qu’il souhaite à la terre ;
    Dis qu’un timbre éclatant, sur notre âge arrêté,
    Frappera dans ton cours son âme généreuse ;
    Dis que ton sein fécond, pour sa jeunesse heureuse,
        Enfantera la liberté !

    Je suis seule... et c’est Dieu qui juge la prière !
    L’ingrat ! il n’a pensé qu’à moi seule aujourd’hui !
    Dieu ! je voudrais vers vous remonter la première,
    Pour vous la demander, et l’envoyer vers lui !





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