Poème « Prière pour mon amie »

Premier vers dans l’édition de Marc Bertrand : « Reine du pauvre, ouvrez ! Il est à votre porte… »


Éditions du poème :

Édition du poème dans des recueils :

  • « Prière pour mon Amie », Marceline Desbordes-Valmore. Bouquets et prières, Paris : Dumont, p. 97-103, 1843

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Prière pour mon amie », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1833-1859. Élégies. Romances. Mélanges. Fragments. Poésies posthumes, Paris : Lemerre, p. 243-244, 1886
  • « Prière pour mon âme », Boyer d’Agen. Œuvres manuscrites de Marceline Desbordes-Valmore : albums à Pauline, Paris : A. Lemerre, p. 115-119, 1921
  • « Prière pour mon Amie », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 223-227, 1922
  • « Prière pour mon amie », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 462, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Prière pour mon amie », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres choisies de Marceline Desbordes-Valmore avec études et notices par Frédéric Loliée, Paris : Libairie Ch. Delagrave, p. 97-98, 1909
  • « Prière pour mon amie », Marceline Desbordes-Valmore. L’amour, l’amitié, les enfants, mélanges. Choix, notices biographique et bibliographique par Alphonse Séché, Paris : Louis-Michaud, p. 70-71, 1910
  • « Un enfant ! (Fragment) », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 123, 1923
  • « Prière pour mon amie », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Préface par André Dumas. Bibliothèque-Charpentier, Paris : Fasquelle, p. 211-212, 1933
  • « Prière pour mon Amie (extrait) », Jeanine Moulin. Poètes d’aujourd’hui. Marceline Desbordes-Valmore, Paris : Seghers, p. 168-169, 1955





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

PRIÈRE POUR MON AMIE

A notre-Dame-des-Champs

  Reine du pauvre, ouvrez ! Il est à votre porte
  Une âme qui descend de quelque nid d’oiseau ;
  Son corps a la faiblesse et le poids d’un roseau,
  Son haleine est un chant que la brise vous porte
  Le soir, quand pour bénir votre peuple adorant,
  L’Angélus, tout ailé, sort de l’orgue pleurant.

  L’orgue a semé partout quelque fragment sonore
  De ce génie à part qui s’exhale et s’ignore ;
  Vos poètes ont mis leurs vers les plus touchants
  Sur ce clavier qui pleure et prie avec des chants ;
  Et s’il était... pardon ! permis de croire aux fées,
  À ces reines de l’air dans l’Orient rêvées,
  On se prendrait, près d’elle, à croire parmi nous
  Une fée en exil et souvent à genoux.


  Ô reine ! relevez cette gloire timide
  Qui traversa des cours l’atmosphère splendide,
  Quand la belle fortune avait de son chemin
  Fait le pavé facile, et lui tenait la main.
  La fortune a tourné ; le temps vole ; son aile,
  Qui poursuit tout bonheur de rancune éternelle,
  De cette harmonieuse a fait pencher le front
  Tout pâle, et l’a couvert d’un indigent affront.
  Celle qu’on appelait la charmante, l’heureuse,
  Monte à pieds déchirés sa cime rigoureuse.
  Dans le travail obscur où s’éteignent ses yeux,
  Qu’elle obtient chèrement ses ailes pour les cieux !
  Que d’hymnes elle jette aux échos de la vie,
  Pour un rayon du feu que sa tristesse envie !
  Que d’accords écoulés de ses doigts vigilants,
  Pour les rares deniers à la payer Si lents !

  Je sais, oh ! je sais bien qu’elle fut imprudente ;
  Sa mère à la pitié la créa trop ardente ;
  Le pauvre à sa richesse a beaucoup demandé,
  Et tant qu’elle fut riche elle a tout accordé.
  Voilà ce que je sais contre elle, ô Notre-Dame !
  Alors qu’elle n’eut plus rien à donner, belle âme,
  En voyant tout s’enfuir, sa candeur soupira,
  Et pour toute réponse au blâme, elle pleura !

  Je le confesse à vous, qui jugez sans colère ;
  À qui l’oubli de soi n’a jamais su déplaire ;
  Vous, pour qui les fronts nus sont les fronts les plus beaux,
  Qui préférez la lampe à l’éclat des flambeaux,
  Si la lampe qui s’use en un coin solitaire
  Encourage au travail un pauvre de la terre :
  Vous qui jugez surtout le pauvre avec amour,
  Tournez-vous à sa lampe éteinte au point du jour.

  Hélas ! elle n’a plus que ce rayon qui brille,
  Pas de fils protecteur, pas de pieuse fille,
  Qui, la venant étreindre et soutenant ses pas,
  Lui dise : "Allons, ma mère ! allons, ne tombez pas.
  Prenez mes mains, prenez tout l’enfant qui vous aime ;
  Sous de plus jeunes traits, voyez, je suis vous-même.
  Avancez comme à Dieu réchauffée à mes jours,
  Je suis la lampe neuve où vous brûlez toujours !"

  Un enfant ! un enfant ! ô seule âme de l’âme !
  Palme pure attachée au malheur d’être femme !
  Eloquent défenseur de notre humilité !
  Fruit chaste et glorieux de la maternité,
  Qui d’une langue impie assainit la morsure,
  Et de l’amour trahi ferme enfin la blessure !
  Image de Jésus qui se penche vers nous,
  Pour relever sa mère humble et née à genoux ;
  Dont la débile main, par la grâce étendue,
  Rouvre parfois le ciel à la vierge perdue ;
  Un enfant ! souffle d’ange épurant le remord !
  Refuge dans la vie, asile dans la mort !
  De la foi des époux sentinelle sans armes !
  Rayonnement divin qui passe entre leurs larmes !
  Fleur du toit, qui ravive et retient le bonheur !
  Visible battement de deux cœurs dans un cœur !

  Elle n’a plus d’enfant. Sa tendresse est déserte ;
  Plus un rameau qui rit, plus une plante verte,
  Plus rien. Les seules fleurs qui s’ouvrent sous ses pas
  Croissent où les vivants ne les dérobent pas,
  Au grand jardin sans fruits jonché de nos couronnes,
  Des débris de charrue et des débris de trônes ;
  Où l’on entend dormir les peuples et les rois,
  Tous ranges au pouvoir d’un seul sceptre : la croix !


  C’est là que sa langueur s’abrite agenouillée,
  Cherchant son beau passé sous la terre mouillée ;
  Là, qu’en un flux étrange et de peur et d’espoir,
  Chaque marbre, en passant, lui murmure : Au revoir !
  Oui, c’est là qu’on entend, et que du sein des mousses,
  Sous nos pieds frissonnants montent des plaintes douces.
  C’est là que va l’oiseau, de l’aile et de la voix,
  Frapper à cette porte où tout passe une fois.
  Fidèle avec la mort et douce avec la vie,
  L’infortuné la cherche et le méchant l’envie :
  Vierge toute lumière et toute charité,
  Quel cœur plus selon Dieu s’ouvre à votre clarté ?

  On a fait ce récit aux reines de la terre...
  Mais leur oreille est prise à tant d’autres malheurs ;
  Mais le trône est souvent chargé de tant de pleurs ;
  Mais la pudeur se plaint avec tant de mystère !
  Plus large est le chemin qui monte à vos genoux,
  Où votre charité vient au-devant de nous ;
  Où de vos yeux ardents les rayons et les charmes,
  Comme l’onde au soleil font remonter nos larmes ;
  Où le faible et l’enfant arrivent les premiers,
  Tant vous aplanissez pour eux les hauts sentiers !

  Vierge des pleurs, sauvez, quand je prie avec elle
  La meilleure des deux : vous savez bien laquelle !
  Tout ce qu’elle a donné d’or et de pur amour,
  Faites qu’on le lui rende : elle est pauvre à son tour.
  Elle est là, près de vous, dans sa peine enfermée,
  La première oubliant sa frêle renommée ;
  Pareille au rossignol qui voit venir l’hiver,
  Sans qu’un arbre à sa vie ouvre un asile vert ;
  Et comme il faut le nid au rossignol débile,
  Elle demande à Dieu ce nid, ce tiède asile.

  Mais, j’ose demander à vous, riche après Dieu,
  Pour ce terrestre oiseau quelque céleste lieu
  Où la flamme amollit la bise âcre et méchante,
  Et laisse errer les doigts sur l’ivoire qui chante ;
  Puis des lèvres d’enfants, qu’elle saurait former
  À la langue d’en-haut, faite pour vous nommer !





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