Poème « Le retour chez Délie »

Premier vers dans l’édition de Marc Bertrand : « C’est ici... Pardonnez, je respire avec peine ;… »


Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

  • « Le Retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore [en deux tomes]. Tome II., Paris : Boulland, p. 265-276, 1830
  • « Le Retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Tome troisième, Paris : Boulland, 1830

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Le retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1819-1833. Idylles. Élégies, Paris : Lemerre, p. 164-169, 1886
  • « Le retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome second, Paris : Éditions du Trianon, p. 64-70, 1932
  • « Le retour chez Délie », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 161, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Le Retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de madame Desbordes-Valmore, avec une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 136-141, 1842
  • « Le Retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Nouvelle édition augmentée et précédée d’une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 127-132, 1860
  • « Le Retour chez elle », Marceline Desbordes-Valmore. L’amour, l’amitié, les enfants, mélanges. Choix, notices biographique et bibliographique par Alphonse Séché, Paris : Louis-Michaud, p. 43-46, 1910
  • « Le retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 60-63, 1923
  • « Le retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies choisies. Notice et notes par Marguerite Plessis. Les classiques pour tous ; N° 344, Paris : Hatier, p. 23-27, 1926
  • « Le retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Lyon : H. Lardanchet, p. 104-109, 1927
  • « Le Retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Notice par Maxime Formont, Paris : Librairie Alphonse Lemerre, p. 67-74, 1928
  • « Le Retour chez Délie », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Préface de Alain Bosquet, Paris : Le livre club du libraire, p. 39-44, 1961





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

LE RETOUR CHEZ DÉLIE

    C’est ici... Pardonnez, je respire avec peine ;
    Mes genoux affaiblis me forcent à m’asseoir ;
    Ici, tous mes secrets vous cherchèrent un soir :
    Oh ! que de souvenirs un souvenir ramène !
    Ô mémoire du cœur, vous garde-t-on toujours ?
    Oui. le temps fane en vain les roses sur nos têtes ;
      Le temps éteint toutes les fêtes ;
      Il n’éteint pas tous les amours !

    Trois étés de ces bois ont embaumé l’ombrage,
    Depuis que, m’exilant sur des rives sans fleurs,
      Je n’emportai que le triste courage,
      En pleurant, de cacher mes pleurs.

    Ne me reprochez plus ma fuite et mon silence ;
    Ne pressez pas mon cœur plein de ces jours amers :
    Hélas ! quand l’aquilon souffle avec violence,
    L’alcyon qui s’envole est morne sur les mers.
    Dans mon isolement j’enfermais ma pensée ;
    Des maux que je fuyais poursuivie et lassée,
    D’avance je traînais les maux qui m’attendaient,
    Et, quand vous m’accusiez, mes larmes répondaient.

    Que les bords étrangers sont froids pour la souffrance !
    En vain de doux regards y plaignaient ma langueur ;
    En vain ! ... Tous les regards importunent le cœur,
      Quand on n’y voit plus l’espérance.
    Quel attrait déchirant me fait donc revenir ? ...
    Ah ! ne le nommez pas ! Souffrez que ma tristesse,
    Qui ne veut rien du temps, mais qui craint sa vitesse,
      S’arrête sur un souvenir.
    C’est vous ! je vous revois, toujours belle, Délie !
    De mes siècles de pleurs à peine un seul moment
    Semble avoir dans son vol touché ce front charmant,
    Et du Dieu qui me hait vous êtes embellie.
    Pour fixer le bonheur avez-vous un secret ?
      Ne pouvez-vous pas me l’apprendre ?
    Je croyais ! ... Du bonheur ce que j’ai su comprendre,
      C’est qu’on en meurt par le regret.

    Ne vous étonnez plus : en recevant la vie,
    De tout ce qu’elle offrait je n’ai vu que l’amour ;
    Mon cœur le respirait avec l’air et le jour.
    À quelque chère idole en tous temps asservie,
    Je tombais à genoux pour adorer des fleurs ;
    Je me vouais surtout à la plus solitaire ;
    Elle me semblait triste, et je sentais des pleurs
    S’échapper de mon sein. Aimante avec mystère,
    Je courais raconter à quelque humble arbrisseau
    Ce que j’avais souffert du tourment de l’étude ;
    Comme au fond de mon cœur dormait l’inquiétude,
    Quand mes heures coulaient au bruit d’un clair ruisseau.
    Qu’ils étaient loin alors ces maîtres sans clémence
     Qui ne m’apprenaient qu’à frémir !
    Que Dieu me semblait grand, dans cet espace immense
     Où je n’entendais rien gémir !
    Le timbre dont l’horloge éveillait mes alarmes,
    La leçon monotone et les regards grondeurs,
    Et le livre muet imbibé de mes larmes,
    Soleil ! tout se perdait dans tes pures splendeurs !
    Dérobée en furtive aux sévères entraves
    De l’école où tremblaient mes compagnes esclaves,
    J’étais libre, j’errais, je suspendais mes pas,
    Je répondais... à qui ? je ne le savais pas ;
    Mais un intime accent, toujours, toujours le même,
    Me suivait, me parlait, me répétait : "Je t’aime !”
    Et d’avance, à ce mot en tous lieux entendu,
    "Je t’aime ! " était le mot que j’avais répondu.

    Ne riez pas, Délie ! écoutez ! de ma mère
    Ayez pour un moment l’indulgente pitié ;
    Elle ne riait pas de cette sève amère
    Qui de son tendre fruit consumait la moitié.
    Mère, elle m’entendait lorsqu’en ses bras penchée,
    Mes yeux priaient ses yeux de prendre mon secret :
    Peut-être sa pitié, sur mon âme attachée,
    Reconnaissait son âme où veillait un regret :
    Car mes jeunes amours n’avaient pas d’inconstance ;
    Pour l’arbrisseau chéri j’appelais le printemps ;
     S’il mourait, à mon existence
    Un doux ombrage, un charme, allait manquer longtemps.
    Et je ne chantais plus : sa verdure fanée
    Ornait mon front pensif aux jeux bruyants du soir :
    Ce n’étaient plus mes jeux ; de leurs cris consternée,

    J’allais près de ma mère et languir et m’asseoir ;
    Et ma mère, en berçant ma fièvre douloureuse,
    Disait que l’arbrisseau reverdirait un jour.
    Cette fièvre du cœur, c’était déjà l’amour,
    Et je ne fus jamais à demi malheureuse.

    Jugez quand ce fut lui ! quand j’entendis sa voix,
    Cet accent retrouvé ! Que suis-je devenue,
    Quand je vis mon idole à mes pieds reconnue,
    Tous mes rêves épars ressaisis à la fois ?
    J’osai me croire aimée : alors toute la terre
    Tressaillit avec moi, me rapprocha des cieux.
    Pour écouter longtemps je sus longtemps me taire,
    Et je ne répondis qu’au regard de ses yeux :
    J’osai le soutenir, et je perdis mon âme ;
    Je ne me souvins plus, je n’attendis plus rien ;
    L’univers, c’était lui; lui m’appela son bien ;
    Et tout s’anéantit dans notre double flamme.

    Les voilà donc ces lieux où je donnai mes jours !
    Rien n’est changé... que lui, dans ce touchant asile !
    C’est le même parfum qui court dans l’air tranquille !
      Cette lampe y brûle toujours !

    Ô Délie ! est-ce là que j’ai souri moi-même,
    À l’objet adoré que m’offrait ce miroir ?
    Qu’il est beau le miroir qui double ce qu’on aime !
    Ce portrait qui se meut, quel bonheur de le voir !
    Je marche où de ses pieds mes pieds pressaient l’empreinte !
    Que de fois, pour tromper l’embarras le plus doux,
    Cette harpe, au hasard, parla seule entre nous !
    Mais ces lieux qu’à présent je parcours avec crainte,
    Ces parfums, ces flambeaux, ces brillantes couleurs,
      Ces contrastes de mes douleurs,
    Ces messages riants qu’à vos pieds on envoie,
    Tout parle, tout s’empreint d’une alarmante joie,
    Et mon cœur... oui, mon cœur entend qu’il va venir :
    Cruelle ! et vous vouliez encor me retenir !
    Vous me trompiez... Adieu ! Votre main caressante
    Ne m’enchaînera plus : je suis libre aujourd’hui.

      En me réunissant à lui,
    Croyez-vous n’inventer qu’une ruse innocente ?
    Je n’ai donc pas souffert ? Regardez-moi ! L’amour
    N’est donc qu’un mot frivole, un rêve, un badinage,
    Un lien sans devoir égarant le jeune âge,
      Qu’il brise et reprend tour à tour ?
    Je ne sais ; mais adieu ! Fière autant que sensible,
    Dans l’effroi d’abaisser ma douleur à ses pieds,
    J’ai fui ; laissez-moi fuir. Quoi ! pour cet inflexible,
        C’est vous qui me priez !

    "Il le veut", dîtes-vous. Il veut ! toujours le même :
    Voilà comme il régnait sur mes esprits confus ;
    J’obéissais toujours, mais je disais : "Il m’aime !”
    ’’Ose-t-on commander à ceux qu’on n ~ plus ?’’
    Que veut-il ? Mon bonheur ? eh bien ! je suis heureuse ;
    Je suis calme, je suis... voyez ! je vis encor.
    Dans le bruit de la fête apprenez-lui mon sort :
    Ménagez bien son âme ; elle est si généreuse !

    Et si vous me nommez, choisirez-vous l’instant
    Où quelque objet nouveau, brillant et sous les armes,
    Fera battre et rêver son cœur déjà content,
    Pour dire : "Elle est partie ! Oh ! que j’ai vu de larmes !”
    Si c’est lui qu’il faut plaindre, enfin, je le plaindrai ;
    Mais,je le sens, jamais je ne le reverrai !

    Le revoir ! ô terreur ! l’entendre ! lui répondre !
    Reconnaître ses yeux qui m’ont donné la mort ;
    Les voir errer sur moi, sans trouble, sans remord !
    Balbutier son nom, m’égarer, me confondre !

    Le revoir ! ô douleur ! sans joie, à mon retour,
    Interroger mes traits oubliés dans l’absence,
    Et peut-être un moment douter, en ma présence,
        S’il m’a connue un jour !

    Non ; laissez-moi m’enfuir. Que je doute moi-même
    Si je l’ai vu jamais, si j’existe, si j’aime.
    Ah ! je ne le hais pas, je ne sais point haïr ;
    Mais, laissez-moi douter... mais laissez-moi m’enfuir.





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