« XXXVI. Le Rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Les Pleurs. Poésies nouvelles, Paris : Charpentier, 1833
« Le Rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Les Pleurs. Poésies nouvelles, Paris : Madame Goullet, 1834
Prépublication :
« Le Rossignol aveugle », Almanach des muses, 68e année, Paris : Audin, p. 109-112, 1832
Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :
« Le rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1833-1859. Élégies. Romances. Mélanges. Fragments. Poésies posthumes, Paris : Lemerre, p. 189-192, 1886
« Le rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome second, Paris : Éditions du Trianon, p. 262-265, 1932
« Le rossignol aveugle », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 221, 1973
Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :
« Le Rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Paris : Garnier Frères, p. 234-237, 1869
« Le Rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Deuxième édition. Revue et augmentée. Paris : Garnier Frères, p. 239-242, 1873
« Le Rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Troisième édition. Revue et augmentée. Paris : Garnier Frères, p. 239-242, 1876
« Le Rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Quatrième édition. Paris : Garnier Frères, p. 239-242, 1881
« Le Rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. L’amour, l’amitié, les enfants, mélanges. Choix, notices biographique et bibliographique par Alphonse Séché, Paris : Louis-Michaud, p. 102-104, 1910
« Le rossignol aveugle », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 217-219, 1923
Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :
LE ROSSIGNOL AVEUGLE
A MADAME CAROLINE BRANCHU
Nous ne saurions nous attendrir sur la destinée d’autrui, ou même sur la nôtre, sans valoir quelque chose ; car il y
a une grande intensité de vie dans la douleur. - Hélas !
souffrir, c’est encore vivre fortement, puisque c’est vivre
avec lutte et violence.
Keratry.
Pauvre exilé de l’air ! sans ailes, sans lumière,
Oh ! comme on t’a fait malheureux !
Quelle ombre impénétrable inonde ta paupière !
Quel deuil est étendu sur tes chants douloureux !
Innocent Bélisaire ! une empreinte brûlante
Du jour sur ta prunelle a séché les couleurs ;
Et ta mémoire y roule incessamment des pleurs ;
Et tu ne sais pourquoi Dieu fait la nuit si lente !
Et Dieu nous verse encor la nuit égale au jour.
Non! ta nuit sans rayons n’est pas son triste ouvrage ;
Il ouvrit tout un ciel à ton vol plein d’amour ;
Et ton vol mutilé l’outrage !
Par lui ton cœur éteint s’illumine d’espoir ;
Un éclair qu’il allume à ton horizon noir
Te fait rêver de l’aube, ou des étoiles blanches,
Ou d’un reflet de l’eau qui glisse entre les branches
Des bois que tu ne peux plus voir !
Et tu chantes les bois, puisque tu vis encore ;
Tu chantes : pour l’oiseau, respirer, c’est chanter.
Mais quoi ! pour moduler l’ennui qui te dévore,
Sous le voile vivant qui t’usurpe l’aurore,
Combien d’autres accents te faut-il inventer !
Un cœur d’oiseau sait-il tant de notes plaintives ?
Ah ! quand la liberté soufflait dans tes chansons,
Qu’avec ravissement tes ailes incaptives
Dans l’azur sans barrière emportaient ses leçons !
Douce horloge du soir aux saules suspendue,
Ton timbre jetait l’heure aux pâtres dispersés ;
Mais le timbre égaré dans ta clarté perdue
Sonne toujours minuit sur tes chants oppressés ;
Tes chants n’éveillent plus la pâle primevère
Qui meurt sans recevoir les baisers du soleil,
Ni le souci fermé sous le doigt du sommeil,
Qui se rouvre baigné d’une rosée amère.
Tu ne sais pas quel astre éclaire tes instants ;
Tu bois, sans les compter, tes heures de souffrance ;
Car la veille sans espérance
Ne sent pas la fuite du temps !
Tu ne vas plus verser ton hymne sur la rose,
Ni retremper ta voix dans le feu qui l’arrose :
Cette haleine d’encens, ce parfum tant aimé,
C’est l’amour qui fermente au fond d’un cœur fermé ;
Et ton cœur contre ta cage
Se jette avec désespoir ;
Et l’on rit du vain courage
Qui heurte ton esclavage
Sur un barreau sanglant que tu ne peux mouvoir.
Du fond de ton sépulcre un cri lent et sonore
Dénonce tes malheurs autre part entendus ;
Ton œil vide s’ouvre encore
Pour saluer une aurore
Que l’homme n’éteindra plus !
Ce jour que l’esclave envie
Du moins changera son sort,
Et je sais trop de la vie,
Pour médire de la mort !
Chante la liberté, prisonnier ! Dieu t’écoute.
Allons ! nous voici deux à chanter devant lui.
J’ai su dire ma joie, et je sais aujourd’hui
Ce qu’un son douloureux te coûte !
Chante pour tes bourreaux qui daignent te nourrir,
Qui t’ont ravi des cieux la flamme épanouie ;
Tes cris font des accords, ton deuil les désennuie ;
Si ta douleur s’enferme, ils te feront mourir !
Chante donc ta douleur profonde,
Ton désert au milieu du monde,
Ton veuvage, ton abandon !
Dis, dis quelle amertume affreuse
Rend la liberté douloureuse
Pour qui n’en sait plus que le nom !
Dis qu’il fait froid dans ta pensée,
Comme quand une voix glacée
Souffla sur le feu de mon cœur,
Pour éteindre aussi la lumière
D’une espérance, - la première,
Que je prenais pour le bonheur !
Laisse ton hymne désolée,
Comme l’eau dans une vallée,
S’épancher sur tes sombres jours ;
Et que l’espoir filtre toujours
Au fond de ta joie écoulée !
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