Poème « Rouen »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Dans la ville tout églises,… »
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Éditions du poème :

Édition du poème dans des recueils :

  • « Rouen », Marceline Desbordes-Valmore. Bouquets et prières, Paris : Dumont, p. 87-91, 1843

Prépublication :

  • « [sans titre] », Théodore-Eloi Lebreton. Nouvelles heures de repos d’un ouvrier, Rouen : Nicétas Periaux, p. XI-XIV, 1842

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Rouen », Boyer d’Agen. Œuvres manuscrites de Marceline Desbordes-Valmore : albums à Pauline, Paris : A. Lemerre, p. 156-159, 1921
  • « Rouen », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. Reliquiæ. Volume 4, Paris : A. Lemerre, p. 247-250, 1922
  • « Rouen », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 460, 1973

Édition du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Rouen », Marceline Desbordes-Valmore. L’Aurore en fuite. Poèmes choisis. Choix et préface par Christine Planté, Paris : Points, p. 142-145, 2010





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

ROUEN

À mes sœurs

      Dans la ville tout églises,
      Où je descends quelquefois,
      Où devant le seuil assises,
      Les femmes lèvent leurs voix ;
      Dans cette ville où bourdonne
      Toute idée allant aux cieux,
      Où les yeux d’une madone,
      Qui relève et qui pardonne,
      À tous coins cherchent vos yeux :

      Il est une étroite porte,
      Palais de mes ans passés,
      Où le même amour emporte
      Mon âme et mes pieds lassés,
      Chez mes sœurs ! séjour crédule,
      Où l’air est encor si pur ;
      Où Dieu gardait la cellule,
      Quand j’écoutais la pendule,
      Qui vit et bat sur le mur.

      Là, comme la sainte femme
      Ouvre au pauvre son verger,
      Mes sœurs ont toujours dans l’âme
      Un doux coin pour me loger ;
      Pour rappeler de l’enfance
      Les nuits qui chantaient tout bas ;
      Pour me rendre après l’absence,
      Le miroir de l’innocence
      Que mes sœurs ne brisent pas.

      Le long de l’étroite rue
      Où tout est calme et pensant,
      Faible étoile reparue,
      Je regarde le passant :
      Puis, tout distrait, tout frivole,
      Tout léger de souvenir,
      L’enfant qui monte à l’école
      Chercher la douce parole,
      Doux pain de son avenir !

      À Rouen, ville encensée
      Par la prière et les flots,
      S’ouvrirent de ma pensée
      Les hymnes et les sanglots ;
      Comme la brise inconnue
      Chante à quelque vieux créneau,
      Sur la grande église nue,
      Qui met son front dans la nue,
      Et lave ses pieds dans l’eau.

      Mais, l’église de mon âme*,
      Où pleure un humble métal,
      Reflète sa pure flamme,
      Dans un long flot de cristal.
      Cette sainte au flanc percée,
      Lavant ses humbles pavés,
      Semble une mère empressée,
      Sur ses enfants abaissée,
      Qui dit : Puisez et buvez !

      C’est là que la cathédrale
      Abreuve ses bénitiers ;
      C’est l’éternelle lustrale
      Sauvant les siècles entiers.
      Tout meurt : la source est la même,
      Dieu nourrit sa fraîche voix :
      Aussi tout le peuple l’aime
      Plus que le dôme suprême
      Où se font sacrer les rois.

      Par un hiver dur et sombre,
      J’ai cherché ses vieux autels,
      Qui dans l’été font tant d’ombre
      Aux fronts des pauvres mortels :
      Là, pour mon âme exilée,
      Couvait un nouvel affront ;
      L’eau bénite était gelée,
      Et je me suis en allée,
      Sans désaltérer mon front.

      À travers les brumes grises
      Qui resserrent l’horizon,
      Dans la ville tout églises
      Où Corneille eut sa maison ;
      Parmi les fleurs, les fontaines,
      Les clochers vibrants, les tours,
      Les voilures toutes pleines
      Des vents aux moites haleines,
      Qui frôlent ses verts entours :


  Dans ce pays aimé qui me fut trop barbare,
  Donnez à mon image un coin rêveur et doux ;
  J’ai bien assez pleuré l’arrêt qui nous sépare,
  Pour que mon ombre au moins soit heureuse avec vous !



*Saint Maclou





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