Poème « La suite du vieux crieur du Rhône »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Le vieux crieur allait contant l’histoire… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

Prépublication :

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « La suite du vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1819-1859. Les Enfants et les Mères, Paris : Lemerre, p. 168-173, 1887
  • « La suite du Vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome premier, Paris : Éditions du Trianon, p. 206-212, 1931
  • « La suite du vieux crieur du Rhône », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 88, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Suite du Vieux crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. À mes jeunes amis. Album du jeune âge, Paris : Boulland, p. 145-154, 1830
  • « Suite du vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de madame Desbordes-Valmore, avec une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 102-107, 1842
  • « Suite du vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Nouvelle édition augmentée et précédée d’une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 99-104, 1860
  • « La Suite du vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Paris : Garnier Frères, p. 227-233, 1869
  • « Suite du vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Deuxième édition. Revue et augmentée. Paris : Garnier Frères, p. 232-238, 1873
  • « Suite du vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Troisième édition. Revue et augmentée. Paris : Garnier Frères, p. 232-238, 1876
  • « Suite du vieux Crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Les Poésies de l’enfance, par Mme Desbordes-Valmore, Quatrième édition. Paris : Garnier Frères, p. 232-238, 1881
  • « La suite du vieux crieur du Rhône », Marceline Desbordes-Valmore. Poèmes, Paris : Tchou, p. 46-50, 1965

Traduction du poème :

  • anglais :
    • « The Lost Child. 2. », Harriet W. Preston, Charles Augustin Sainte-Beuve, Memoirs of Madame Desbordes-Valmore, p. 194-199, Boston : Roberts Brothers, 1873





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

LA SUITE
du
VIEUX CRIEUR DU RHONE
A M. Jars

      Le vieux crieur allait contant l’histoire
      Du faible enfant vers le Rhône égaré :
      Un vieux soldat, tout cuirassé de gloire,
      En l’écoutant sous son casque a pleuré.

      Ce n’était plus quand l’été se couronne
      De rayons d’or, de pampres et de fleurs ;
      C’était au temps où l’hiver s’environne
      De longues nuits et de mornes couleurs.
      Ce n’était plus quand ma voix lamentable
      Cria partout l’enfant sans l’obtenir ;
    Mais aux mères toujours ce triste souvenir
      Apparaissait lugubre et redoutable.

    Celle que l’on crut morte en ses cris superflus,
    Qu’on emporta le soir, de larmes épuisée...
    Elle vit ; mais, semblable à sa plainte brisée,
    Sa mémoire au malheur ne se réveille plus.
    La moisson, le rivage et le Rhône rapide
    Dans ses esprits confus ne viennent plus s’offrir.

        Ainsi se trouble une eau limpide,
        Dont la source va se tarir.

    Ses yeux sans s’étonner ont revu sa demeure,
        Où la foule a suivi ses pas ;
        On l’entoure, on frémit, on pleure :
        Elle seule ne pleure pas.
        Dieu la bénit d’un long délire,
        Son fils est là, dit-elle... il dort.
        Elle a rapporté son sourire
        À son fils... que l’on cherche encor !

    Balançant un berceau, dans ces nuits rigoureuses,
    Seule elle dit encor : "Les mères sont heureuses !"
    Seule elle ne sait plus son malheur si récent ;
    Calme, elle n’offre à Dieu qu’un cœur reconnaissant.
    À travers le rideau que sa main vient d’étendre,
    Elle entend respirer l’enfant dans son sommeil :
    Qui voudrait l’arracher à cette erreur si tendre ?
    Elle écoute son souffle ; elle attend son réveil.
    Ah ! ne soulevez pas ce rideau qui l’enchante,
    Pareil au voile épais tombé sur sa raison :
    L’enfant, s’il vit encore, est loin de sa maison ;
    Et près d’un berceau vide elle prie... elle chante.

    Dans sa vague tristesse, on la voit tout le jour,
        Et, sans nous reconnaître à peine,
    Contre son sein bercer une ombre vaine
        Et lui parler avec amour.
      Durant la nuit, tranquille et demi-nue,
      Auprès des feux négligés et mourants,
    Elle charme sa veille au berceau retenue,
    En regardant courir les nuages errants.

    Un soir, la lune absente abandonne la terre
      Au sombre autan qui règne avec fureur :
        Des éléments la lutte austère
      Glace les sens d’une muette horreur.
      On ne voit plus que de faibles lumières ;
      Les chiens hurlants menacent les chaumières ;
      L’eau dans sa chute entraîne l’arbrisseau ;
      De cette mère, immobile et charmée,
      La faible main s’endort sur le berceau
    Que semble suivre encor sa paupière fermée.

      Paix ! elle dort pour la première fois
    Depuis le jour éteint dans sa raison perdue,
      Qui la laissa sur la terre étendue,
      Sans souvenir, sans larmes et sans voix.
      Mais l’ouragan, dont gémit la nature,
      Semble jaloux de cette longue erreur ;
      Dans son sommeil il souffle la terreur,
      Et, de son sein réveillant la torture,
      Y jette un cri dès longtemps expiré :
    "Rendez, rendez l’enfant dans la foule égaré !"
    Comme l’écho frappé d’une clameur terrible,
    Sa raison qui renaît répond au cri d’effroi :
    "Rendez, rendez l’enfant ! rendez..." Réveil horrible !
    Ce berceau découvert, il est vide, il est froid !

      Pâle, muette, en ses larmes glacée,
      Elle repousse et combat sa pensée ;
      Puis elle dit, en se cachant les yeux :
    "Je reconnais la terre, et j’ai perdu les cieux !
    "Dieu des mères ! mon Dieu ! vous savez s’il respire.
    "Rendez-le ! guidez-moi... je ne sais où... j’ expire !
      "Il n’est plus là.... je n’y peux plus rester.
    "Eh bien ! puisque la mort ne veut pas m’arrêter,
    "J’irai, par les chemins, traîner, finir ma vie."

    Et le jour, sur la neige on reconnaît ses pas.
    Elle était douce et faible ; on ne l’observait pas,
        Et personne ne l’a suivie.
    Dans les sentiers déserts Dieu seul l’entend gémir ;
      Mais l’aquilon a cessé de frémir.

    Elle marche, elle dit : "Je veux voir la chapelle
    "Qu’au temps de la moisson j’embellis une fois,
    "Où mon fils... jour trompeur qu’à présent tout rappelle !
    "Sur ma voix, qui chantait, voulait former sa voix.
    "J’y porte son berceau, c’est mon dernier hommage ;
    "Douloureux pour sa mère, inutile pour lui,
    "Ce n’est plus qu’un tombeau que j’y vois aujourd’hui,
    "Et dans mon âme en deuil j’offrirai son image.
    "Des fleurs... je n’en ai plus... Ah ! j’ai trop peu de temps ;
        "On meurt jeune sans l’espérance ;
    "Mais tant que je vivrai, fût-ce jusqu’au printemps,
         "J’y viendrai cacher ma souffrance !"

    Alors un saint pasteur, triste de souvenir,
    Prend le berceau léger qu’il promet de bénir.

    Une autre femme approche en sa misère errante ;
    Sa voix n’a qu’un accent qui murmure : « Donnez ! »
    Elle indique un enfant aux regards consternés,
    Et cet objet voilé la rend plus déchirante.
    "Femme, dit l’autre mère, il faut vous secourir :
    "Vous cachez un enfant ; sa misère est affreuse !
    "Ne souffrez pas pour lui, femme ! Soyez heureuse !
    "Moi, je n’ai plus d’enfant... moi, je n’ai qu’à mourir !"

      Un cri perçant rompt cette plainte amère,
    Et le lambeau s’agite, et le cri dit : "Ma mère !"
    Et la mère éperdue a saisi son enfant ;
    Et l’affreuse étrangère à peine le défend ;
    Elle fuit, elle roule au bas de la montagne,
    Et comme un noir corbeau, se perd dans la campagne.
    La mère véritable écarte les lambeaux ;
    Ses yeux longtemps éteints, pareils à deux flambeaux,
    S’allument : « C’est mon fils ! ... qu’il est pâle ! » Elle tombe ;
    Sous l’excès du bonheur la nature succombe ;
      Car on dirait que, créés pour souffrir,
    Nous ne pouvons qu’à peine être heureux sans mourir.
    Mais l’enfant la caresse ; il la rappelle, il pleure ;
    Il arrête son âme aux lèvres qu’il effleure,
    Et son corps délicat, par sa mère entouré,
    Palpite et tremble encor d’en être séparé.
    "Ne tremble plus ; c’est moi. Vois-tu ; je suis ta mère.
    "Ô ! mon fils ! C’est mon fils ! regardez-le, mon père;
    ’’C’est mon fils ! Ce n’est plus son fantôme trompeur ;
    "C’est mon enfant qui m’aime, et qui vit sur mon cœur."

    Le pasteur pour le voir se courbe devant elle :
    Il sent couler ses pleurs à son récit fidèle ;
      Elle dit tout en paroles de feu ;
    De baisers, de sanglots, son récit se compose.
    En vain pour sa vengeance elle bégaie un vœu ;
    Sortira-t-il du cœur où son fils se repose ?
    Sans doute il a souffert, l’enfant infortuné !
    Sans doute... il vit encor ; sa mère a pardonné.





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