Poème « Tristesse »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « N’irai-je plus courir dans l’enclos de ma mère ?… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des recueils :

  • « XXVII. Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Les Pleurs. Poésies nouvelles, Paris : Charpentier, 1833
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Les Pleurs. Poésies nouvelles, Paris : Madame Goullet, 1834

Prépublication :

  • « Tristesse », Le Mémorial de la Scarpe, 7e année, n° 122, 1832-10-11

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore. 1819-1833. Idylles. Élégies, Paris : Lemerre, p. 218-222, 1886
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies complètes de Marceline Desbordes-Valmore publiées par Bertrand Guégan avec des notes et des variantes, tome second, Paris : Éditions du Trianon, p. 240-245, 1932
  • « Tristesse », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 1, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 215, 1973

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de madame Desbordes-Valmore, avec une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 297-301, 1842
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Madame Desbordes-Valmore. Nouvelle édition augmentée et précédée d’une notice par M. Sainte-Beuve, Paris : Charpentier, p. 253-257, 1860
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Œuvres choisies de Marceline Desbordes-Valmore avec études et notices par Frédéric Loliée, Paris : Libairie Ch. Delagrave, p. 72, 1909
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Les chefs d’œuvre lyriques de Marceline Desbordes-Valmore. Choix et notice de Auguste Dorchain, Paris : A. Perche, p. 19-22, 1909
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Idylles et élégies, Paris : Lemerre, p. 53-58, 1920
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Choix et notice par Oscar Colson. Bibliothèque francaise, Vol. LVI, Berlin : Internationale Bibliothek, p. 202-205, 1923
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies choisies. Notice et notes par Marguerite Plessis. Les classiques pour tous ; N° 344, Paris : Hatier, p. 42-45, 1926
  • « Tristesse. N’irai-je plus courir », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies de Marceline Desbordes-Valmore, Lyon : H. Lardanchet, p. 133-137, 1927
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Choix de poésies. Notice par Maxime Formont, Paris : Librairie Alphonse Lemerre, p. 95-100, 1928
  • « Tristesse : N’irai-je plus courir », Marceline Desbordes-Valmore. Poèmes et proses [Préface et notes de Tony Taveau], Paris : Marcel Seheur, p. 96, 1928
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies, illustrations de Jean Pichard. Collection Bagatelle ; 7, Paris : Gründ, p. 99, 1945
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore, Choix et introduction par Raymonde Vincent, Paris : Egloff, p. 70-72, 1947
  • « Tristesse », Jeanine Moulin. Poètes d’aujourd’hui. Marceline Desbordes-Valmore, Paris : Seghers, p. 119-123, 1955
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Préface de Alain Bosquet, Paris : Le livre club du libraire, p. 61-65, 1961
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poèmes, Paris : Tchou, p. 86-91, 1965
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Préface et choix d’Yves Bonnefoy, Paris : Gallimard nrf, p. 84-88, 1983
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poesie, a cura di Giuseppe Pintorno, disegni di Francesca Amat, testo francese a fronte, La Vita Felice, p. 98-106, 1994
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Liriche d’amore. Introduzione, versione poetica dal francese e note di Maria Luisa Spaziani. Testo originale a fronte, Milan : Gallino, p. 46-50, 2004
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. L’Aurore en fuite. Poèmes choisis. Choix et préface par Christine Planté, Paris : Points, p. 73-77, 2010
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Comme à ténèbre, Le Serment de fidélité, collection La bibliothèque des impardonnables, Paris : Fario, p. 43-48, 2017
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Dossier par Virginie Belzgaou, Folio+ Lycée, Paris : Gallimard, 2021
  • « Tristesse », Marceline Desbordes-Valmore. Des fleurs et des pleurs. Poésies choisies. Choix des poèmes par Yohann Ringuedé, Librio 3€, Paris : J’ai lu, p. 35-39, 2023

Autre édition du poème :

  • « L’Iris d’eau », Mme Desbordes-Valmore. La couronne de Flore, ou Mélange de poésie et de prose, Paris : Fleury Chavant, p. 24, 1837

Traductions du poème :

  • anglais :
    • « Tristesse », Harriet W. Preston, Charles Augustin Sainte-Beuve, Memoirs of Madame Desbordes-Valmore, p. 213-219, Boston : Roberts Brothers, 1873
  • italien :
    • « Tristezza », Giuseppe Pintorno, Poesie, a cura di Giuseppe Pintorno, disegni di Francesca Amat, testo francese a fronte, p. 99-107, Milan : La Vita Felice, 1994
    • « Tristezza », Maria Luisa Spaziani, Liriche d’amore. Introduzione, versione poetica dal francese e note di Maria Luisa Spaziani. Testo originale a fronte, p. 47-51, Milano : Gallino, 2004





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

TRISTESSE

            Une fille est née dans la classe du peuple,
            et malgré le triste avenir qui lui est réservé, sa
          naissance a été accueillie comme un joyeux
          événement.
          ......................................
            Elle est heureuse, car le soleil brille, la
          pluie tombe, l’arc-en-ciel étend ses couleurs, et
          les oiseaux chantent pour elle. Son sommeil est
          profond et doux, ses jeux gais et vifs, son pain
          délicieux ! Elle ne sait pas le secret d’être
          mécontente de ce qu’elle possède.
                  Un auteur anglais.

  N’irai-je plus courir dans l’enclos de ma mère ?
  N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ?
  D’où vient que des beaux ans la mémoire est amère ?
  D’où vient qu’on aime tant une joie éphémère ?
  D’où vient que d’en parler ma voix se fond en pleurs ?

  C’est que, pour retourner à ces fraîches prémices,
  À ces fruits veloutés qui pendent au berceau,
  Prête à se replonger aux limpides calices
  De la source fuyante et des vierges délices,
  L’âme hésite à troubler la fange du ruisseau.

  Quel effroi de ramper au fond de sa mémoire,
  D’ensanglanter son cœur aux dards qui l’ont blessé,
  De rapprendre un affront que l’on crut effacé,
  Que le temps... que le ciel a dit de ne plus croire,
  Et qui siffle aux lieux même où la flèche a passé

  Qui n’a senti son front rougir, brûler encore,
  Sous le flambeau moqueur d’un amer souvenir?
  Qui n’a pas un écho cruellement sonore,
  Jetant par intervalle un nom que l’âme abhorre,
  Et la fait s’envoler au fond de l’avenir ?

  Vous aussi, ma natale, on vous a bien changée
  Oui ! quand mon cœur remonte à vos gothiques tours,
  Qu’il traverse, rêveur, notre absence affligée,
  Il ne reconnaît plus la grâce négligée
  Qui donne tant de charme au maternel séjour

  Il voit rire un jardin sur l’étroit cimetière,
  Où la lune souvent me prenait à genoux
  L’ironie embaumée a remplacé la pierre
  Où j’allais, d’une tombe indigente héritière,
  Relire ma croyance au dernier rendez-vous

  Tristesse ! après longtemps revenir isolée,
  Rapporter de sa vie un compte douloureux,
  La renouer malade à quelque mausolée,
  Chercher un cœur à soi sous la croix violée.
  Et ne plus oser dire "Il est là ! " c’est affreux

  Mais cet enfant qui joue et qui dort sur la vie,
  Qui s’habille de fleurs, qui n’en sent pas l’effroi
  Ce pauvre enfant heureux que personne n’envie,
  Qui, né pour le malheur, l’ignore et s’y confie,
  Je le regrette encor, cet enfant, c’était moi.

  Au livre de mon sort si je cherche un sourire,
  Dans sa blanche préface, oh ! je l’obtiens toujours
  À des mots commencés que je ne peux écrire,
  Éclatants d’innocence et charmants à relire,
  Parmi les feuillets noirs où s’inscrivent mes jours !

  Un bouquet de cerise, une pomme encor verte,
  C’étaient là des festins savourés jusqu’au cœur !
  À tant de volupté l’âme neuve est ouverte,
  Quand l’âpre affliction, de miel encore couverte,
  N’a pas trempé nos sens d’une amère saveur !

  Parmi les biens perdus dont je soupire encore,
  Quel nom portait la fleur... la fleur d’un bleu si beau,
  Que je vis poindre au jour, puis frémir, puis éclore,
  Puis, que je ne vis plus à la suivante aurore ?
  Ne devrait-elle pas renaître à mon tombeau !

  Douce église ! sans pompe, et sans culte et sans prêtre,
  Où je faisais dans l’air jouer ma faible voix,
  Où la ronce montait fière à chaque fenêtre,
  Près du Christ mutilé qui m’écoutait peut-être,
  N’irai-je plus rêver du ciel comme autrefois ?

  Oh ! n’a-t-on pas détruit cette vigne oubliée,
  Balançant au vieux mur son fragile réseau ?
  Comme l’aile d’un ange, aimante et dépliée,
  L’humble pampre embrassait l’église humiliée
  De sa pâle verdure où tremblait un oiseau !

  L’oiseau chantait, piquait le fruit mûr, et ses ailes
  Frappaient l’ogive sombre avec un bruit joyeux ;
  Et le soleil couchant dardait ses étincelles
  Aux vitraux rallumés de rougeâtres parcelles
  Qui me restaient longtemps ardentes dans les yeux.

  Notre-Dame* ! aujourd’hui belle et retentissante,
  Triste alors, quel secret m’avez-vous dit tout bas ?
  Et quand mon timbre pur remplaçait l’orgue absente,
  Pour répondre à l’écho de la nef gémissante,
  Mon frêle et doux AVE, ne l’écoutiez-vous pas ?

  Et ne jamais revoir ce mur où la lumière
  Dessinait Dieu visible à ma jeune raison !
  Ne plus mettre à ses pieds mon pain et ma prière !
  Ne plus suivre mon ombre au bord de la rivière,
  Jusqu’au chaume enlierré que j’appelais maison !

  Ni le puits solitaire, urne sourde et profonde,
  Crédule, où j’allais voir descendre le soleil,
  Qui faisait aux enfants un miroir de son onde ;
  Elle est tarie... Hélas ! tout se tarit au monde ;
  Hélas ! la vie et l’onde ont un destin pareil !

  Ne plus passer devant l’école bourdonnante,
  Cage en fleurs où couvaient, où fermentaient nos jours,
  Où j’entendis, captive, une voix résonnante
  Et chère ! à ma prison m’enlever frissonnante :
  Voix de mon père, ô voix ! m’appelez-vous toujours ?

  Où libre je pàlis de tendresse éperdue,
  Où je crus voir le ciel descendre, et l’humble lieu
  S’ouvrir ! Mon père au loin m’avait donc entendue ?
  Fière, en tenant sa main, je traversai la rue ;
  Il la remplissait toute ; il ressemblait à Dieu !

  Albertine ! et là-bas flottait ta jeune tête,
  Sous le calvaire en fleurs ; et c’était loin du soir !
  Et ma voix bondissante avait dit : est-ce fête ?
  Ô joie ! est-ce demain que Dieu passe et s’arrête ?
  Et tu m’avais crié : "Tu vas voir ! tu vas voir !"

  Oui ! c’était une fête, une heure parfumée ;
  On moissonnait nos fleurs, on les jetait dans l’air ;
  Albertine riait sous la pluie embaumée ;
  Elle vivait encor ; j’étais encore aimée !
  C’est un parfum de rose... il n’atteint pas l’hiver.

* Une église de Douai abandonnée pendant la Révolution.

  Du moins, n’irai-je plus dans l’enclos de ma mère ?
  N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ?
  D’où vient que des beaux ans la mémoire est amère ?
  D’où vient qu’on aime tant une joie éphémère ?
  D’où vient que d’en parler ma voix se fond en pleurs?





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