Poème « Victor Hugo »

Premier vers dans l’édition de référence ci-dessous : « Vous le disiez déjà dans votre temps prospère,… »
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Manuscrits du poème :

Éditions du poème :

Éditions du poème dans des volumes de l’œuvre poétique de Desbordes-Valmore :

  • « Victor Hugo », Marc Bertrand. Les Œuvres poétiques de Marceline Desbordes-Valmore, tome 2, Grenoble : Presses universitaires de Grenoble, p. 643, 1973
  • « Victor Hugo », Marc Bertrand. Marceline Desbordes-Valmore, œuvre poétique, Lyon : Jacques André éditeur, p. 499-501, 2007

Éditions du poème dans des anthologies de poèmes de Desbordes-Valmore :

  • « À Victor Hugo », Marceline Desbordes-Valmore. Poésies. Au débit des Muses et Vendeurs de curiosités poétiques, Liège : P. Aelberts, p. 7, 1951
  • « Victor Hugo », Marceline Desbordes-Valmore. L’Aurore en fuite. Poèmes choisis. Choix et préface par Christine Planté, Paris : Points, p. 231-234, 2010

Autre édition du poème :

  • « Victor Hugo », Europe, Louis Aragon, « Deux poèmes inédits de Marceline Desbordes-Valmore et une lettre inédite de Victor Hugo à Marceline Desbordes-Valmore », p. 5, 1948-07





Texte du poème (selon l’édition de Marc Bertrand de 1973) :

VICTOR HUGO

  Vous le disiez déjà dans votre temps prospère,
  Oui : "Les cœurs de lions sont les vrais cœurs de père."
  Hélas ! vous le savez par vous-même aujourd’hui,
  Vous, père comme l’autre, et lion comme lui !

  Aussi d’être écoliers dès qu’ils ont un peu l’âge,
  Poussés par leur instinct que l’on croit si volage,
  Ne lisant rien en vain, n’aimant rien à demi,
  Tous les petits Français demandent leur ami.


  Victor Hugo, ma mère, est-il loin de l’école ?
  Nous voulons aller tous lui porter la parole,
  Entrer dans sa maison et lui dire : bonjour !
  Mais depuis comme un siècle il n’est pas de retour.

  Votre maison sans voix paraît toute vidée,
  Sans feu - sans habitant - morne et comme ridée.
  Nul bruit n’en sort joyeux ni joyeuses couleurs.
  Plus de sonnette au mur, au balcon plus de fleurs.

  La musique est partie ? Où s’en est-elle allée ?
  Et de ses bals d’enfants la rieuse assemblée
  Qu’il laissait se répandre et regarder partout ?
  Elle a peur et la rue est triste jusqu’au bout.

  On ne retrouve plus jamais de porte ouverte,
  Au seuil où rien ne passe il croît de l’herbe verte ;
  On frappe sur la vitre... On appelle bien fort :
  Mère ? Il voyage donc toujours, ce grand Victor ?

  - Oui, mes fils, il voyage. Il fait le tour du monde,
  Son pied laisse partout une empreinte profonde.
  Comme le grand Semeur qui creusa les sillons
  Et prépare la vie aux futurs oisillons,

  Jusque dans les déserts il va, semant son âme,
  Ouvrir l’œil à l’aveugle et lui souffler sa flamme.
  Avant que Dieu le rende à son foyer sacré
  Où voulez-vous courir vers cet homme adoré ?

  Guidant avec effort un reste de famille,
  Il n’est bien nulle part... Il a perdu sa fille !
  Les pauvres l’ont perdu, les vieux qu’il allait voir,
  On peut leur demander s’il a fait son devoir !

  Errant sous un orage aussi haut que lui-même,
  Tendre comme une mère au faible enfant qu’il aime,
  Ce qu’il honore ici de son loyal amour,
  Il le cherche des yeux comme on cherche le jour.

  Pour planter un peu d’ombre à la verte espérance
  Il s’est fait envoyer de la terre de France ;
  Un coin de son berceau dans sa vaste prison,
  Un lierre des forêts qui bordent l’horizon.

  Partout leur souffle absent le poursuit et l’altère.
  Il tire à lui nos cœurs faits de la même terre.
  Il a soif de nos voix qui louangeaient ses jours.
  Oh ! les échos natals nous tourmentent toujours !

  - "Est-ce qu’il pense à nous dans sa mélancolie?
  - "Grand Dieu ! ne croyez pas qu’un tel cœur nous oublie.
  Nous sommes tous errants devant ses longs regards ;
  La nuit nous porte en foule à ses songes épars ;

  Tout lui fait signe : il voit ! ... La belle ville absente
  S’ouvre au loin lumineuse à sa voix gémissante ;
  Son âme étreint la tombe avide de ses pleurs,
  Et son sommeil de père en respire les fleurs :

  Mais l’homme se réveille... et la tête baissée
  Il pert tout... pleure tout des yeux de la pensée !
  - "Quand nous aurons quinze ans s’il n’est pas revenu,
  Nous irons le chercher au rivage inconnu.

  Des palmes dans nos mains pour lui faire de l’ombre,
  Et rafraîchir son front qui ne sera plus sombre,
  Ah ! ma mère ! ma mère, il fera beau nous voir
  Criant : "Venez ! Venez ! nous voulons le revoir."

  Libres comme le vent, légers comme les chèvres,
  Son doux nom dans le cœur et ses beaux vers aux lèvres,
  En poussant devant nous ceux qui ne pensent pas,
  Nous ferons avancer leurs âmes et leurs pas !


  Et nous serons cent mille ! Et puis sa chère France
  Qui lui tendra son sein, dont il est la souffrance,
  Mais ce n’est pas sa faute ! ... Elle l’appellera,
  Et pour la consoler, ce fils, il reviendra !

  Et l’on ne tuera plus personne... Non, ma mère,
  Nous avons trop pleuré sur cette page amère.
  Nous ne tuerons jamais ! le bon Dieu le défend.
  Et lui, l’enseigne à l’homme aussi bien qu’à l’enfant."

  - Alors, nous écoutons dans ces voix argentines,
  Tout ce qui s’éleva d’amour aux Feuillantines.
  L’enfant le lit tout haut pour apprendre à bénir,
  Et Dieu répond : Je veille ! Il va bientôt venir.





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